La révolte des femmes iraniennes se poursuit-elle ?

Malgré les difficultés et les dangers, les femmes en Iran luttent courageusement pour leurs droits. Elles font face à des défis importants et à des conséquences potentiellement graves. Mais leur détermination reste forte. Ces femmes montrent une résistance incroyable dans leur quête pour plus d’égalité et de justice, même lorsque les obstacles sont nombreux.

À Téhéran, dans la prison d’Evine, Ali Al-Qasimehr, le chef du département de la justice de Téhéran et ancien procureur de Téhéran, accompagné de deux juges notoires et de plusieurs autorités pénitentiaires, se sont introduit dans le quartier des femmes mercredi 27 décembre 2023. Or, parmi les juges, se trouvait Iman Afshari, l’homme ayant condamné bon nombre des femmes emprisonnées. Elles se sont alors mises à protester et à scander des slogans à l’encontre du régime de mollahs, réclamant leur libération, étant donné qu’elles ont été condamnées à de lourds châtiments, sans aucun procès. Les gardiens de prison sont alors arrivés et ont agressé avec violence les prisonnières. L’administration pénitentiaire les a à leur tour menacée en coupant les lignes téléphoniques, en les menaçant de les inculper à nouveau et de les exiler vers des lieux éloignés, comme Sistan-Baloutchistan. Le message porté par leur révolte a rempli son rôle, puisque la commission des Femmes du Conseil national de la Résistance iranienne a appelé à condamner la brutalité du régime misogyne des mollahs et a demandé à la mission internationale d’enquête de l’ONU, de visiter les prisons iraniennes, afin de parler avec les prisonnières.

« Sa peine de 74 coups de fouet a été exécutée conformément à la loi et à la charia » et « pour atteinte aux mœurs publiques » – Mizan Online

De plus en plus de femmes s’affichent sans voile sur la tête, sur les réseaux sociaux, depuis le début des mouvements révolutionnaires de septembre 2022. Mais elles sont toutes très vite sanctionnées pour cela. C’est le cas de Roya Heshamti, qui a par la suite reçu 74 coups de fouet pour « atteinte aux mœurs publiques ». Ella a aussi été condamnée à payer une amende pour non-port du voile, obligatoire depuis la Révolution islamique de 1979. 

Trois années de plus pour la publication d’« images obscènes »

Les figures médiatisées du mouvement « Femme, Vie, Liberté » sont les premières à être réprimées. La traductrice Sepideh Rashno, âgée de 29 ans, a été condamnée à quatre ans de prison, pour la publication d’« images obscènes ». La cause : c’est une militante qui lutte contre le port obligatoire du hijab. Elle est notamment connue, car une vidéo d’elle en pleine dispute avec une femme dans un bus, au sujet du port du voile, a été diffusée sur les réseaux sociaux. Par la suite, elle a été reprise par son établissement : l’Université Al-Zahra de Téhéran, qui l’a exclu durant deux semestres à son encontre. Mais cette répression ne l’a pas arrêté dans son combat. Elle a continué de diffuser des messages sur les réseaux sociaux, dans lesquels elle « incite les Iraniennes à se rebeller contre les règles imposées par la religion et le régime ». En octobre, elle a été accusée d’« incitation à la prostitution et à la corruption » et de « propagande contre le régime », et condamnée à quatre ans et un mois de prison. Elle doit aujourd’hui subir une peine de trois années de prison.

Mais elle n’est pas la seule …

Ce n’est pas la seule femme condamnée à une peine de prison, pour avoir « trop parlé ». Maryam Akbari, l’une des plus anciennes prisonnières politiques en Iran, doit elle aussi subir trois années de plus en prison. Elle devait normalement être libérée après 15 années enfermées, mais le pouvoir judiciaire des mollahs en Iran l’a à nouveau condamnée dans « deux affaires distinctes fabriquées par le ministère du renseignement ». L’une pour « propagande contre le système », l’autre pour « insulte aux dirigeants, réunion et la collusion, publication de mensonges et trouble de la conscience publique, incitant à s’opposer à la sécurité nationale ». Si Maryam Akbari s’est retrouvée enfermée dans ce cercle vicieux, c’est parce qu’elle a demandé justice pour trois de ses frères, qui appartenaient à l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK) et qui ont été exécutés par le régime des mollahs. Elle a été arrêtée en 2009, pour avoir participé à un soulèvement, en décembre 2009, à Téhéran. Nous pouvons donc affirmer que, malgré les obstacles, toutes ces femmes continuent de se révolter, avec courage.

Les multiples visages des violences infligées aux femmes en Iran

Chaque jour, les femmes en Iran font face à diverses manifestations de violence, qu’il s’agisse de violences sexuelles, sexistes ou conjugales. Malheureusement, les récents projets de loi ne semblent pas reconnaître ces réalités. Au contraire, certaines formes de violence, en particulier les agressions sexuelles, sont même utilisées comme moyen de répression contre leur soulèvement.

Depuis le début du mouvement, « Femme, Vie, Liberté » en 2022, les forces de sécurité iraniennes, usent le viol et d’autres actes de violence sexuelle, comme d’un moyen de torture et de châtiment, pour intimider les manifestantes et les manifestants. Un rapport a même été écrit, rapportant en 120 pages décrivant les supplices qu’on subit 50 iraniens et iraniennes, dont 26 hommes, douze femmes et 7 mineurs, sous le titre : They violently raped me”: Sexual violence weaponized to crush Iran’s “Woman Life Freedom”. Ces personnes ont été arrêtées, car elles ont voulu remettre en cause le fonctionnement sexiste et oppressif de la société iranienne, en enlevant par exemple leur voile. Les agresseurs sont en général des membres des pasdaran (gardiens de la révolution), de la force paramilitaire Bassidj, du ministère du Renseignement, des forces de police, notamment la police de la sécurité publique, l’unité d’enquête de la police iranienne et les forces spéciales de la police. Ces viols peuvent être individuels ou collectifs, pouvant aller jusqu’à dix hommes à la fois sur une même victime. Les filles et les femmes sont violées par voie vaginale, anale et orale, mais aussi avec des matraques, des bouteilles de verre, des tuyaux. Les lieux où ils se produisent paraissent eux aussi inimaginables : dans des centres de détention, dans des fourgons de police, dans des écoles ou des immeubles résidentiels. Aujourd’hui, les victimes subissent des traumatismes psychologiques et physiques. Zahra, une survivante, explique : « Je pense que je ne serai plus jamais la même personne.Vous ne trouverez rien qui me ramènera à moi-même, qui me ramènera mon âme […] J’espère que mon témoignage débouchera sur la justice, et pas seulement pour moi. »

Ces crimes sont impunis du fait de la complicité des procureurs

Une chargée de plaidoyer dans le programme « Libertés et Violences policières » à Amnesty International, Domitille Nicolet a alors pointé du doigt « la complicité des procureurs » dans le sort des Iraniennes. À ce jour, les agents de police et les représentants de l’Etat ayant commis ces actes n’ont pas été arrêtés, ni pour viol, ni pour violences sexuelles, car les juges sont souvent leurs complices et cherchent donc à étouffer leurs crimes. Ils choisissent soit de fermer les yeux ou de torturer des innocents pour leur faire « avouer » des crimes que les victimes auraient commis. Cela leur permet de les éliminer grâce à la peine de mort, toujours d’actualité dans ce pays. Si les victimes portent plainte, elle est tout de suite retirée. On leur dit même qu’elles ont dû confondre une fouille corporelle avec des violences sexuelles. La ville de Téhéran n’a toujours pas répondu face à ces accusations, bien qu’elles soient arrivées à leurs oreilles.

77,2 % des femmes ont subit une forme de violence pendant la quarantaine

Mais ces violences faites aux femmes, ne sont pas évoquées dans le projet de loi, approuvé par le Parlement du régime clérical (qui prône la prédominance des idées religieuses et du clergé dans la vie publique et politique), 9 avril 2023, le visant à prévenir leurs blessures et à éliminer les violences faites à leur encontre. Il a été nommé « Prévenir les blessures des femmes et améliorer leur sécurité contre les mauvais comportements ». Cependant, le projet ignore l’existence de la violence en remplaçant le terme par « mauvais comportement ». Il a donc fait un amalgame entre deux anciens projets : “Préserver la dignité et la protection des femmes contre la violence” et “Protection, dignité et sécurité des femmes contre la violence”. L’approbation survient après que les actions criminelles du régime clérical, comme le meurtre de Mahsa Amini aient été exposées mondialement. Ce a donc terni son image, entraînant son expulsion de la Commission de la condition de la femme des Nations unies. Les statistiques officielles révèlent une augmentation alarmante de la violence envers les femmes en Iran, avec 77,2 % des femmes subissant une forme de violence pendant la quarantaine liée au Covid. L’approbation du projet de loi visant à prévenir la violence envers les femmes par un régime misogyne semble être une façade, une tentative de dissimulation de sa véritable nature. Ce geste apparaît comme une stratégie visant à tromper la communauté internationale et l’opinion publique, malgré le fait que le projet de loi ne traite pas de manière adéquate la question de la violence à l’égard des femmes. Le projet de loi, est donc vivement critiqué, puisqu’il omet le terme « violence », se concentre sur des politiques de ségrégation des sexes, les marginalisant encore plus, et cherche à protéger la structure familiale plutôt qu’à soutenir les femmes confrontées à la violence domestique. Les sanctions prévues pour les meurtres intentionnels sont critiquées pour leur légèreté. Les mariages forcés et le mariage d’enfants restent un problème, avec des conséquences juridiques floues. Malgré la résistance des femmes iraniennes, le projet de loi est considéré comme un bluff politique, ne reflétant pas une réelle volonté de réduire la violence à l’égard des femmes.

10 % des crimes d’honneur dans le monde ont lieu en Iran

La violation systématique des droits des femmes en Iran est une préoccupation majeure, soulignée à l’occasion de la Journée des droits de l’homme. Les crimes d’honneur et les féminicides sont en augmentation, bien que le régime cherche à cacher ces données. Beaucoup de ces violences sont commises au sein du foyer familial et ne sont donc pas rapportées. Les statistiques rapportées par les médias ne sont donc pas complets l’étendue réelle du problème est masquée. Par exemple, entre juin 2021 et juin 2023, au moins 165 femmes ont été tuées par des membres masculins de leur famille en Iran. Cependant, si on recueille les informations publiées dans les médias, on comptabilise 132 cas de crimes d’honneur et de féminicides depuis janvier 2023 : « Ces chiffres dépassent les statistiques rapportées par les sources gouvernementales et non-gouvernementales ». Les données compilées comprennent 85 cas de féminicides et 47 cas de crimes d’honneur : « 10 % des crimes d’honneur dans le monde ont lieu en Iran. » Les lois du régime contribuent à cette violence, autorisant le meurtre de femmes par des membres de leur famille. Les crimes d’honneur et les féminicides ne sont pas spécifiquement criminalisés en Iran, et les sanctions prévues par le nouveau projet de loi semblent inadéquates. Le régime perpétue ces crimes, et les femmes iraniennes résistent courageusement, appelant au renversement du régime religieux.

Petit aparté : « Leurs voix ne peuvent pas être réduites au silence. »

Cet article ne pouvait pas se terminer sans l’évocation du prix Sakharov, que Mahsa Amini a reçu à titre posthume. Ce prix est la plus haute distinction de l’Union européenne pour les droits humains. C’est le Parlement européen qui lui a remis le 12 décembre, puisqu’après sa mort, elle est devenue un «symbole de liberté» . Mais sa famille, qui devait venir à la remise du prix à Strasbourg, a été mise à l’écart de la cérémonie. Ils ont reçu l’interdiction de quitter le territoire iranien. La mère de Mahsa a exprimé sa gratitude par un message lu lors de la remise du prix, par son avocat, qui a reçu le prix à sa place : «J’aimerais pouvoir être présente dans votre honorable assemblée, pour représenter toutes les femmes de mon pays et exprimer ma gratitude pour l’attribution du prix Sakharov». La présidente du Parlement, Roberta Metsola, a affirmé que le courage des femmes iraniennes ne sera pas étouffé. Plus de cent eurodéputés ont dénoncé cette restriction visant à « réduire au silence » la famille Amini, au travers d’une lettre ouverte, «en l’empêchant de dénoncer la répression scandaleuse des droits des femmes, des droits humains et des libertés fondamentales par la République islamique en Iran». Deux militantes du mouvement « Femme Vie Liberté » ont également été récompensées par le prix Sakharov : Afsoon Najafi et Mersedeh Shahinkar.

 

Entre violence et résistance : Les injustices endurées par les jeunes filles iraniennes

Mariages forcés, violences et exécutions, les jeunes filles iraniennes ne sont pas épargnées par la dure réalité des lois imposées par leur gouvernement. Certaines voient leurs destins scellés de force, d’autres sont confrontées à la douleur de l’agression. Pourtant, au cœur de cette obscurité, émerge une lueur de résistance de la part de la jeunesse. 

Les écoles pour filles sont des lieux très surveillés et contrôlés par le gouvernement. Le Ministre de l’Éducation iranien, Rezamorad Sahraei, a donc récemment proposé une nouvelle réforme de transformation du système, avec l’introduction d’un manuel spécifique en fonction du genre de l’enfant. Filles et garçons seront formatés et séparés dès leur plus jeune âge, ils n’apprendront pas les mêmes choses. L’objectif ? : « Changer l’approche iranienne de l’éducation », pour atteindre la « culture de la modestie. Ce sont presque 120 000 écoles qui sont dans les lignes de mire de ces changements et surtout des écoles pour filles. Environ 20 000 directeurs ont déjà été remplacés soit pour « créer une transformation dans les écoles », ou pour des raisons idéologiques et politiques et les étudiants sont rapidement réprimés s’ils osent se révolter. Ces rébellions, contrées par les forces de sécurité ont déjà coûté la vie de 71 mineurs.

La peine de mort est toujours d’actualité en Iran, même pour les mineures. L’ONU a donc demandé à Téhéran, la capitale de cesser d’arrêter d’appliquer la peine de mort pour les moins de 18 ans, suite à l’exécution d’un jeune homme de 17 ans et d’un homme de 22 ans. Ces exécutions auraient un lien avec les manifestations suite à la mort de Masha Amini pour le droit des femmes. Plus de 600 personnes ont été exécutées depuis le début de l’année en Iran.

Les jeunes iraniennes ne sont pas que victimes d’exécutions et d’une privation d’une éducation égalitaire avec celle des garçons. Elles sont confrontées à de nombreux défis et obstacles, dans leur pays, qui est considéré comme le plus misogyne et conservateur au monde, dès leur plus jeune âge : la violence, la maltraitance, la malnutrition, le travail forcé, les mariages forcés, la toxicomanie et la pauvreté. Les lois sont dures et discriminatoires même pour les petites filles. L’article 1210 du code civil, par exemple, instaure la puberté des filles à 8 ans et 9 mois, alors qu’elles n’ont à cet âge-là ni le corps, ni la maturité intellectuelle pour affronter la vie d’adulte. Parallèlement, comme elles sont considérées comme pubères à 8 ans, à 13 ans, elles peuvent légalement se marier et leur père, grand-père ou un juge peut les forcer à se marier quel que soit son âge. Elles sont ainsi privées d’éducation, de carrière professionnelle et d’une indépendance économique. Mais ce n’est pas tout, à partir de 9 ans, en adéquation avec la loi,  les filles peuvent subir des humiliations, des insultes, sous l’excuse d’un non-port du voile. La violence est encouragée par le gouvernement, puisque l’article 301 déclare que si un homme tue une femme, il sera moins sanctionné s’il n’est pas père ou ancêtre paternel : « Lorsqu’une femme musulmane est délibérément tuée par un homme musulman, la famille de la victime doit verser à l’auteur du crime la moitié du prix du sang avant de demander réparation. »

Comme dit précédemment, les jeunes filles sont aussi privées d’éducation. Dans le désespoir au vu de leur avenir, certaines s’immolent par le feu, d’autres ont sauté par la fenêtre de leur maison. D’autres, n’ont pas d’écoles pour filles dans leurs villages, comme à Deh-Bonyad. Ce qui les oblige à se rendre dans une école loin de chez elle à Marivan.

La jeunesse iranienne : une flamme d’espoir dans la lutte pour le droit des femmes

Face à cela, la jeunesse israélienne se bat pour le droit des femmes et des petites filles. Des étudiantes de l’Université Shahid Beheshti de Téhéran ont par exemple boycotté leurs cours, pour contester les mesures de sécurité prises par l’administration, puisque du personnel de sécurité était rentré dans une classe de psychologie, pour vérifier l’identité des étudiantes qui ne portaient pas le hijab. Ce désagrément n’est pas le seul cas qui a été relevé, à la Faculté de littérature et de sciences humaines, le personnel de sécurité fait sortir de classe les élèves qui ne portaient pas de foulard et les a ensuite interrogées.

Avant cet incident, ce furent les élèves de l’Université Tarbiat Modares de Téhéran qui ont entamé une grève pour protester contre la « pression étouffante en matière de sécurité » à l’intérieur de l’université, comme pour l’obligation du port du voile. Ils ont notamment refusé d’assister aux cours, de visiter la bibliothèque ou d’utiliser certains laboratoires. Puis, les étudiants ont mis fin à cette grève après deux jours. Les étudiantes ont joué un rôle important dans les manifestations pour le mouvement « Femmes, vie, liberté » et affirment que les étudiantes iraniennes ont endossé des « convocations massives des agences de renseignement et de sécurité et des comités disciplinaires » ainsi que des ordonnances de « suspension temporaire » et d’ »expulsion ». Ce fut le cas surtout après la mort de Masha Amini, car leur surveillance a été intensifiée. Les étudiantes et les étudiants ne vont pas s’arrêter là, ils continueront de protester sous diverses formes jusqu’à ce que leurs demandes soient accordées.

L’art, une arme contre la répression pour les femmes iraniennes

En Iran, les femmes revendiquent leurs droits, de plusieurs manières : en manifestant, ou encore en retirant leur hijab. Certaines utilisent aussi l’art pour revendiquer leurs droits et dénoncer les lois mises en place par le gouvernement. Elles sont aussi parfois soutenu dans leur cause par des hommes. 

En Iran, le combat des femmes passe par la musique. Récemment, deux jeunes productrices et DJ iraniennes, Aida et DJ Nesa Azadikhah, ont réalisé une compilation de musique électronique, réunissant des morceaux uniquement composés par des artistes et DJ iraniennes. Elles l’ont nommé Intended Consequence. À travers ce projet, on découvre l’existence d’une « vie nocturne », à Téhéran. Étant donné que la police des mœurs surveille tous les lieux publics et réprime ceux ne respectant pas les lois imposées par le gouvernement, la jeunesse se retrouve privée de clubs ou autres activités pour se détendre. Elle se cache donc dans la clandestinité pour se réjouir au sein de la capitale iranienne. Dans cette compilation, la musique électronique à la différence d’autres styles musicaux, comme le rap ou le rock, a le pouvoir d’éviter la censure, puisqu’elle est considérée comme moins destructrice. Il est donc plus facile d’organiser des événements autour de cette musique et de faire passer des messages subtilement cachés, afin de garder espoir et « la tête haute ». Certaines des musiciennes utilisent leur notoriété mondiale pour montrer le quotidien de leurs semblables et avoir un impact plus important sur leurs revendications. C’est le cas de Rojin Sharafi. D’autres utilisent des sons marquants, finement dissimulés. Azadi.MP3 a par exemple mixé des extraits sonores des manifestations contre le régime des Mollahs dans son titre Empty Plaform

Les femmes ne sont pas les seules à dénoncer le sort de femmes en Iran grâce à leur métier artistique. Les œuvres du photographe iranien Majid Behkarpisheh, seront bientôt exposées à la Maison Louise de Bettignies. Cette exposition montrera au public environ trente portraits en noir et blanc, de femmes et d’enfants iraniens. Ils ont été pris dans tout le pays, pour dénoncer l’oppression et l’injustice faite aux femmes iraniennes, qui souvent victimes d’inégalités et de la police religieuse. Il a nommé son exposition « les Mona Lisa » iraniennes, puisqu’il s’est inspiré de l’oeuvre de De Vinci, pour la neutralité de ses portraits. Le photographe est donc engagé au travers de son art dans la défense des droits des femmes en Iran.

« Celles qui ne respectent pas la loi ne sont pas autorisées à travailler. »

Certaines femmes subissent les conséquences de cet engagement. C’est le cas pour douze actrices qui ont été privées de tourner leur film, car elles se sont exposées sans leur voile en public. Suite à cela, le ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, Mohammad Mehdi Esmaili, a même annoncé : « Celles qui ne respectent pas la loi ne sont pas autorisées à travailler ». Suite à l’événement, elles ne pourront  plus travailler dans un nouveau film. Parmi elles, on retrouve Taraneh Alidoosti, qui avait posté une photographie d’elle sans voile, sur les réseaux sociaux, avec un message en kurde en soutien au mouvement Femme-Vie-Liberté, Katayoun Riahi, ou encore Fatemah Motamed-Aria.

La journaliste et détentrice du prix Nobel de la paix, a elle utilisé sa plume pour parler du droit des femmes dans son pays. Elle a suite à cela été enfermée dans la prison d’Evin. Récemment, sa famille a annoncé sur Instagram qu’elle aurait besoin de soins médicaux. Mais les autorités pénitentiaires refusent de prendre en charge la lauréate à l’hôpital en raison de son refus de porter le voile : «Elle est prête à risquer sa vie en ne portant pas le hijab forcé, même pour un traitement médical». Son transfert à l’hôpital a été annulé deux fois de suite. Une équipe médicale est donc allée la soigner dans l’aile du bâtiment qui lui est réservé.

Un chanteur de pop iranien, Mehdi Yarrah, a aussi été libéré sous caution. Il avait été emprisonné pour avoir diffusé une chanson contre l’obligation du port du voile. L’artiste de 41 ans contestait « les mœurs et coutumes de la société musulmane », à travers le morceau Rousarito (qui veut dire « ton foulard », en persan), à la suite de l’anniversaire de la mort de Mahsa Amini, ou encore Soroode Zan (« Hymne de la femme »), qui est comme son nom l’indique, devenu un hymne, chanté lors des manifestations. Pour lui, l’art est une arme de guerre contre la répression des femmes en Iran. Mais il a payé le prix de son utilisation.

Iran : Le port du voile, un symbole de répression ou de rébellion ?

Si pour certaines femmes, porter le voile est un choix délibéré, pour d’autres, le retirer est une manière de se révolter et de se faire entendre.

Un an après la mort de Mahsa Amini, le peuple iranien et surtout « les femmes continuent de désobéir ». C’est ce que soulève la sociologue franco-iranienne Azadeh Kian. Mahsa Amini étaient une étudiante iranienne, décédée le 16 septembre 2022 à Téhéran. Trois jours plus tôt, elle avait été arrêtée par la police de mœurs pour « port non conforme du voile ». Selon des témoins de la scène, « la police l’a poussée dans un fourgon et l’a frappée, puis l’a conduite au centre de détention de Vozara, à Téhéran ». Sa mort a entraîné le mouvement « Femme, Vie, Liberté », et une partie de la population a commencé à protester contre la répression imposée par le gouvernement iranien, notamment sur l’obligation du port du voile pour les femmes. D’autant plus que le 20 septembre, le Parlement iranien a voté un projet de loi « visant à soutenir la culture de la chasteté et du hijab », qui est donc pour eux un symbole de répression. Les sanctions seront donc encore plus dures. Les femmes continuent donc à se battre, bien que la répression soit sévère surtout à l’approche de l’anniversaire de la mort de Mahsa Amini, puisque « les proches des personnes assassinées, tout comme des journalistes et des défenseur-euse-s des droits humains, sont arrêté-e-s préventivement afin d’empêcher une nouvelle mobilisation». Azadeh Kian précise que les femmes et surtout les jeunes générations continuent malgré tout « de désobéir, par exemple en refusant de porter le voile islamique ». Cet été, nous avons pu assister à de nombreuses manifestations, dans lesquelles les femmes portaient des tenues estivales, des décolletés et qui ne portaient pas le hijab.

« Rejeter le voile, c’est rejeter le régime et l’islam politique au pouvoir »

Dans cette situation, le voile est un symbole de revendication et de rébellion : « Rejeter le voile, c’est rejeter le régime et l’islam politique au pouvoir ». L’objectif est ainsi de faire vaciller le régime, qui est inégalitaire entre les hommes et les femmes, puisque les lois discriminent en particulier les femmes : « Elles ne peuvent pas travailler, sortir du pays ou même dans la rue sans l’autorisation de leur mari. Leur vie vaut la moitié de celle d’un homme » explique Sourour Kasmaï, l’écrivaine franco-iranienne de Femme Rêve liberté. On pourrait avoir l’impression que le mouvement s’essouffle, en raison de la baisse du nombre de manifestations. Mais ce n’est pas le cas. C’est simplement que les contestations continuent sous des formes qui peuvent paraître anodines. Les Iraniennes prennent un grand risque rien qu’en traversant la rue sans le hijab. Près de 50% des femmes ne le portent plus : « Le régime a peur, car il sent que les femmes n’ont plus peur, quelque chose à changé ».

D’autres femmes ont choisi le pouvoir des mots et de l’écriture pour lutter contre l’oppression des femmes en Iran en général, et pas que contre le port du voile obligatoire. Vous vous en doutez, la journaliste et militante iranienne des droits humains, et plus particulièrement des femmes, Narges Mohammadi est l’une d’elles. Elle a pour cela remporté le Prix Nobel de la paix ce vendredi 6 octobre. C’est un moment symbolique, qui a eu lieu un an après la mort de Mahsa Amini, et quelques jours après l’altercation d’Armita Garawand, avec la police des moeurs, dans le métro de Téhéran, qui l’a plongé dans le coma. Cette récompense permet d’envoyer un message fort aux autorités iraniennes : « Elles ne peuvent pas continuer à piétiner les droits des femmes dans leur pays ». Aujourd’hui, à cause de son combat, elle est emprisonnée pour « diffusion de propagande ».

Ce sont ces femmes qui ont osé exprimer leurs opinions qui font vivre le mouvement « Femme, Vie, Liberté ». Elles inspirent le monde et sont elles-mêmes des sources d’inspiration dans la lutte pour le droit des femmes en Iran, que ce soit dans le milieu de la culture, du sport ou encore dans l’éducation des plus jeunes. Ainsi, elles ont trouvé un symbole, le voile, qui représente à leurs yeux la rébellion contre un régime qui lui, se sert du hijab comme d’un moyen de répression.