Les multiples visages des violences infligées aux femmes en Iran

Chaque jour, les femmes en Iran font face à diverses manifestations de violence, qu’il s’agisse de violences sexuelles, sexistes ou conjugales. Malheureusement, les récents projets de loi ne semblent pas reconnaître ces réalités. Au contraire, certaines formes de violence, en particulier les agressions sexuelles, sont même utilisées comme moyen de répression contre leur soulèvement.

Depuis le début du mouvement, « Femme, Vie, Liberté » en 2022, les forces de sécurité iraniennes, usent le viol et d’autres actes de violence sexuelle, comme d’un moyen de torture et de châtiment, pour intimider les manifestantes et les manifestants. Un rapport a même été écrit, rapportant en 120 pages décrivant les supplices qu’on subit 50 iraniens et iraniennes, dont 26 hommes, douze femmes et 7 mineurs, sous le titre : They violently raped me”: Sexual violence weaponized to crush Iran’s “Woman Life Freedom”. Ces personnes ont été arrêtées, car elles ont voulu remettre en cause le fonctionnement sexiste et oppressif de la société iranienne, en enlevant par exemple leur voile. Les agresseurs sont en général des membres des pasdaran (gardiens de la révolution), de la force paramilitaire Bassidj, du ministère du Renseignement, des forces de police, notamment la police de la sécurité publique, l’unité d’enquête de la police iranienne et les forces spéciales de la police. Ces viols peuvent être individuels ou collectifs, pouvant aller jusqu’à dix hommes à la fois sur une même victime. Les filles et les femmes sont violées par voie vaginale, anale et orale, mais aussi avec des matraques, des bouteilles de verre, des tuyaux. Les lieux où ils se produisent paraissent eux aussi inimaginables : dans des centres de détention, dans des fourgons de police, dans des écoles ou des immeubles résidentiels. Aujourd’hui, les victimes subissent des traumatismes psychologiques et physiques. Zahra, une survivante, explique : « Je pense que je ne serai plus jamais la même personne.Vous ne trouverez rien qui me ramènera à moi-même, qui me ramènera mon âme […] J’espère que mon témoignage débouchera sur la justice, et pas seulement pour moi. »

Ces crimes sont impunis du fait de la complicité des procureurs

Une chargée de plaidoyer dans le programme « Libertés et Violences policières » à Amnesty International, Domitille Nicolet a alors pointé du doigt « la complicité des procureurs » dans le sort des Iraniennes. À ce jour, les agents de police et les représentants de l’Etat ayant commis ces actes n’ont pas été arrêtés, ni pour viol, ni pour violences sexuelles, car les juges sont souvent leurs complices et cherchent donc à étouffer leurs crimes. Ils choisissent soit de fermer les yeux ou de torturer des innocents pour leur faire « avouer » des crimes que les victimes auraient commis. Cela leur permet de les éliminer grâce à la peine de mort, toujours d’actualité dans ce pays. Si les victimes portent plainte, elle est tout de suite retirée. On leur dit même qu’elles ont dû confondre une fouille corporelle avec des violences sexuelles. La ville de Téhéran n’a toujours pas répondu face à ces accusations, bien qu’elles soient arrivées à leurs oreilles.

77,2 % des femmes ont subit une forme de violence pendant la quarantaine

Mais ces violences faites aux femmes, ne sont pas évoquées dans le projet de loi, approuvé par le Parlement du régime clérical (qui prône la prédominance des idées religieuses et du clergé dans la vie publique et politique), 9 avril 2023, le visant à prévenir leurs blessures et à éliminer les violences faites à leur encontre. Il a été nommé « Prévenir les blessures des femmes et améliorer leur sécurité contre les mauvais comportements ». Cependant, le projet ignore l’existence de la violence en remplaçant le terme par « mauvais comportement ». Il a donc fait un amalgame entre deux anciens projets : “Préserver la dignité et la protection des femmes contre la violence” et “Protection, dignité et sécurité des femmes contre la violence”. L’approbation survient après que les actions criminelles du régime clérical, comme le meurtre de Mahsa Amini aient été exposées mondialement. Ce a donc terni son image, entraînant son expulsion de la Commission de la condition de la femme des Nations unies. Les statistiques officielles révèlent une augmentation alarmante de la violence envers les femmes en Iran, avec 77,2 % des femmes subissant une forme de violence pendant la quarantaine liée au Covid. L’approbation du projet de loi visant à prévenir la violence envers les femmes par un régime misogyne semble être une façade, une tentative de dissimulation de sa véritable nature. Ce geste apparaît comme une stratégie visant à tromper la communauté internationale et l’opinion publique, malgré le fait que le projet de loi ne traite pas de manière adéquate la question de la violence à l’égard des femmes. Le projet de loi, est donc vivement critiqué, puisqu’il omet le terme « violence », se concentre sur des politiques de ségrégation des sexes, les marginalisant encore plus, et cherche à protéger la structure familiale plutôt qu’à soutenir les femmes confrontées à la violence domestique. Les sanctions prévues pour les meurtres intentionnels sont critiquées pour leur légèreté. Les mariages forcés et le mariage d’enfants restent un problème, avec des conséquences juridiques floues. Malgré la résistance des femmes iraniennes, le projet de loi est considéré comme un bluff politique, ne reflétant pas une réelle volonté de réduire la violence à l’égard des femmes.

10 % des crimes d’honneur dans le monde ont lieu en Iran

La violation systématique des droits des femmes en Iran est une préoccupation majeure, soulignée à l’occasion de la Journée des droits de l’homme. Les crimes d’honneur et les féminicides sont en augmentation, bien que le régime cherche à cacher ces données. Beaucoup de ces violences sont commises au sein du foyer familial et ne sont donc pas rapportées. Les statistiques rapportées par les médias ne sont donc pas complets l’étendue réelle du problème est masquée. Par exemple, entre juin 2021 et juin 2023, au moins 165 femmes ont été tuées par des membres masculins de leur famille en Iran. Cependant, si on recueille les informations publiées dans les médias, on comptabilise 132 cas de crimes d’honneur et de féminicides depuis janvier 2023 : « Ces chiffres dépassent les statistiques rapportées par les sources gouvernementales et non-gouvernementales ». Les données compilées comprennent 85 cas de féminicides et 47 cas de crimes d’honneur : « 10 % des crimes d’honneur dans le monde ont lieu en Iran. » Les lois du régime contribuent à cette violence, autorisant le meurtre de femmes par des membres de leur famille. Les crimes d’honneur et les féminicides ne sont pas spécifiquement criminalisés en Iran, et les sanctions prévues par le nouveau projet de loi semblent inadéquates. Le régime perpétue ces crimes, et les femmes iraniennes résistent courageusement, appelant au renversement du régime religieux.

Petit aparté : « Leurs voix ne peuvent pas être réduites au silence. »

Cet article ne pouvait pas se terminer sans l’évocation du prix Sakharov, que Mahsa Amini a reçu à titre posthume. Ce prix est la plus haute distinction de l’Union européenne pour les droits humains. C’est le Parlement européen qui lui a remis le 12 décembre, puisqu’après sa mort, elle est devenue un «symbole de liberté» . Mais sa famille, qui devait venir à la remise du prix à Strasbourg, a été mise à l’écart de la cérémonie. Ils ont reçu l’interdiction de quitter le territoire iranien. La mère de Mahsa a exprimé sa gratitude par un message lu lors de la remise du prix, par son avocat, qui a reçu le prix à sa place : «J’aimerais pouvoir être présente dans votre honorable assemblée, pour représenter toutes les femmes de mon pays et exprimer ma gratitude pour l’attribution du prix Sakharov». La présidente du Parlement, Roberta Metsola, a affirmé que le courage des femmes iraniennes ne sera pas étouffé. Plus de cent eurodéputés ont dénoncé cette restriction visant à « réduire au silence » la famille Amini, au travers d’une lettre ouverte, «en l’empêchant de dénoncer la répression scandaleuse des droits des femmes, des droits humains et des libertés fondamentales par la République islamique en Iran». Deux militantes du mouvement « Femme Vie Liberté » ont également été récompensées par le prix Sakharov : Afsoon Najafi et Mersedeh Shahinkar.

 

Entre violence et résistance : Les injustices endurées par les jeunes filles iraniennes

Mariages forcés, violences et exécutions, les jeunes filles iraniennes ne sont pas épargnées par la dure réalité des lois imposées par leur gouvernement. Certaines voient leurs destins scellés de force, d’autres sont confrontées à la douleur de l’agression. Pourtant, au cœur de cette obscurité, émerge une lueur de résistance de la part de la jeunesse. 

Les écoles pour filles sont des lieux très surveillés et contrôlés par le gouvernement. Le Ministre de l’Éducation iranien, Rezamorad Sahraei, a donc récemment proposé une nouvelle réforme de transformation du système, avec l’introduction d’un manuel spécifique en fonction du genre de l’enfant. Filles et garçons seront formatés et séparés dès leur plus jeune âge, ils n’apprendront pas les mêmes choses. L’objectif ? : « Changer l’approche iranienne de l’éducation », pour atteindre la « culture de la modestie. Ce sont presque 120 000 écoles qui sont dans les lignes de mire de ces changements et surtout des écoles pour filles. Environ 20 000 directeurs ont déjà été remplacés soit pour « créer une transformation dans les écoles », ou pour des raisons idéologiques et politiques et les étudiants sont rapidement réprimés s’ils osent se révolter. Ces rébellions, contrées par les forces de sécurité ont déjà coûté la vie de 71 mineurs.

La peine de mort est toujours d’actualité en Iran, même pour les mineures. L’ONU a donc demandé à Téhéran, la capitale de cesser d’arrêter d’appliquer la peine de mort pour les moins de 18 ans, suite à l’exécution d’un jeune homme de 17 ans et d’un homme de 22 ans. Ces exécutions auraient un lien avec les manifestations suite à la mort de Masha Amini pour le droit des femmes. Plus de 600 personnes ont été exécutées depuis le début de l’année en Iran.

Les jeunes iraniennes ne sont pas que victimes d’exécutions et d’une privation d’une éducation égalitaire avec celle des garçons. Elles sont confrontées à de nombreux défis et obstacles, dans leur pays, qui est considéré comme le plus misogyne et conservateur au monde, dès leur plus jeune âge : la violence, la maltraitance, la malnutrition, le travail forcé, les mariages forcés, la toxicomanie et la pauvreté. Les lois sont dures et discriminatoires même pour les petites filles. L’article 1210 du code civil, par exemple, instaure la puberté des filles à 8 ans et 9 mois, alors qu’elles n’ont à cet âge-là ni le corps, ni la maturité intellectuelle pour affronter la vie d’adulte. Parallèlement, comme elles sont considérées comme pubères à 8 ans, à 13 ans, elles peuvent légalement se marier et leur père, grand-père ou un juge peut les forcer à se marier quel que soit son âge. Elles sont ainsi privées d’éducation, de carrière professionnelle et d’une indépendance économique. Mais ce n’est pas tout, à partir de 9 ans, en adéquation avec la loi,  les filles peuvent subir des humiliations, des insultes, sous l’excuse d’un non-port du voile. La violence est encouragée par le gouvernement, puisque l’article 301 déclare que si un homme tue une femme, il sera moins sanctionné s’il n’est pas père ou ancêtre paternel : « Lorsqu’une femme musulmane est délibérément tuée par un homme musulman, la famille de la victime doit verser à l’auteur du crime la moitié du prix du sang avant de demander réparation. »

Comme dit précédemment, les jeunes filles sont aussi privées d’éducation. Dans le désespoir au vu de leur avenir, certaines s’immolent par le feu, d’autres ont sauté par la fenêtre de leur maison. D’autres, n’ont pas d’écoles pour filles dans leurs villages, comme à Deh-Bonyad. Ce qui les oblige à se rendre dans une école loin de chez elle à Marivan.

La jeunesse iranienne : une flamme d’espoir dans la lutte pour le droit des femmes

Face à cela, la jeunesse israélienne se bat pour le droit des femmes et des petites filles. Des étudiantes de l’Université Shahid Beheshti de Téhéran ont par exemple boycotté leurs cours, pour contester les mesures de sécurité prises par l’administration, puisque du personnel de sécurité était rentré dans une classe de psychologie, pour vérifier l’identité des étudiantes qui ne portaient pas le hijab. Ce désagrément n’est pas le seul cas qui a été relevé, à la Faculté de littérature et de sciences humaines, le personnel de sécurité fait sortir de classe les élèves qui ne portaient pas de foulard et les a ensuite interrogées.

Avant cet incident, ce furent les élèves de l’Université Tarbiat Modares de Téhéran qui ont entamé une grève pour protester contre la « pression étouffante en matière de sécurité » à l’intérieur de l’université, comme pour l’obligation du port du voile. Ils ont notamment refusé d’assister aux cours, de visiter la bibliothèque ou d’utiliser certains laboratoires. Puis, les étudiants ont mis fin à cette grève après deux jours. Les étudiantes ont joué un rôle important dans les manifestations pour le mouvement « Femmes, vie, liberté » et affirment que les étudiantes iraniennes ont endossé des « convocations massives des agences de renseignement et de sécurité et des comités disciplinaires » ainsi que des ordonnances de « suspension temporaire » et d’ »expulsion ». Ce fut le cas surtout après la mort de Masha Amini, car leur surveillance a été intensifiée. Les étudiantes et les étudiants ne vont pas s’arrêter là, ils continueront de protester sous diverses formes jusqu’à ce que leurs demandes soient accordées.