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Santé : des inégalités économiques et sociales persistantes

Alors que 5 % de la population n’a pas de complémentaires santés en France et que le prix des complémentaires est en hausse de 8,1 %, les Français les plus modestes sont les plus touchés. Il devient alors intéressant de comprendre l’impact de l’environnement socio-économique dans la prise en charge au niveau de la santé.

13 ans, telles sont les années d’espérance de vie d’écart entre les 5 % de la population la plus riche et les 5 % les plus pauvres. Les personnes en situation de précarité sont les premières touchées par la crise du système de santé en France, tel est le constat du 22e rapport annuel de médecine du monde. D’après une étude de France Assos santé, la renonciation ou le report de soins médicaux est une situation vécue par 6 Français sur 10, principalement en raison de délais d’attente excessifs et de coûts résiduels trop élevés. De plus, les Français les plus modestes qui gagnent moins de 1 500 euros par mois, les jeunes, les ruraux et les personnes en situation de handicap, sont les plus touchés par le renoncement aux soins. Ainsi, la santé à un coût et à titre d’exemple, le cancer contribue à l’appauvrissement d’environ un malade sur quatre selon le 8e rapport de la ligue du cancer.

L’environnement socio-économique a un impact sur les risques de cancers

Aurore Loretti, docteure en sociologie et maîtresse de conférences au Centre d’éthique médicale (CEM) du Laboratoire Ethics à l’Université Catholique de Lille étudie sur les inégalités sociales de santé en cancérologie. « En matière de cancer, il y a deux réalités : nous n’avons pas tous les mêmes risques d’être touchées et les milieux sociaux défavorisés ont plus de risques, la deuxième concerne la différence de survie, les personnes socialement défavorisées ont moins de chance de s’en sortir » explique t’elle au sein de France info.

« Quand vous êtes malade, vous perdez en pouvoir d’achat. Et pour ces femmes qui sont déjà en limite, le risque financier ou de perte du travail est une véritable angoisse. D’autant que bien souvent, elles sont mères célibataires. » explique le Dr Max Buttarelli, chirurgien à l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille. En effet, les femmes venant d’un milieu socio-économique défavorisé sont plus sujettes à des retards de diagnostic qui les amènent à se présenter avec des lésions cancéreuses plus avancées que les femmes de classe supérieure.

« Les personnes précaires ont une résistance à la douleur, une dureté au mal. Elles ne vont pas vouloir solliciter un médecin pour rien et ont donc tendance à attendre, trop longtemps.« souligne Aurore Loretti. De plus, la distance géographique rentre aussi en compte.

Il y a donc un lien établit entre les risques de cancer et l’environnement socio-économique d’une personne.

Volonté de mettre en place des campagnes de dépistages plus ciblées

Effectuer des campagnes de dépistages contre le cancer apparaît comme essentiel. Mais actuellement, ces campagnes ne touchent pas toutes les femmes. Le Dr Zaazou qui est gynécologue à la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) Peyssonnel, dans le 3ᵉ arrondissement de Marseille et à la clinique Bonneveine (8ᵉ) explique qu’il faudrait faire des campagnes plus ciblées consistant à se rendre directement auprès de ses femmes, avec une mammographie mobile par exemple.

Le dispositif de mutuelles communales

Au niveau national, 5 % de la population n’a pas de complémentaire santé en France. Selon une enquête de la Mutualité française la hausse des prix des mutuelles est de + 8,1 % en moyenne. Ainsi, le dispositif de mutuelles communales a été mis en place dans l’objectif de proposer des prix plus avantageux à leurs administrés. Ce système n’est pas nouveau. En effet, cela existe depuis 2012 et actuellement 2800 communes proposent ce service pour environ 20 000 personnes en bénéficiant.

À titre d’exemple, la commune de Mérignac (Gironde) dispose depuis 7 mois d’une mutuelle communale. En tout, 1 000 personnes n’auraient pas de complémentaire santé par manque de moyens suffisants et 400 personnes ont adhéré à ce système qui permet une réduction d’environ 30 % en moyenne, voir 60 %.

Pour bénéficier de cette mutuelle, la seule condition est d’habiter sur le territoire d’une commune qui propose cela. Ainsi, il n’y a pas de limites d’âge, de ressources, ni aucun questionnaire de santé demandé. *

La polémique de l’intérim au sein des hôpitaux : une proposition en cours

Alors que l’intérim est visé par une proposition de loi ayant pour objectif de l’interdire en début de carrière pour les professionnels de santé, cette option de carrière n’est pas uniquement constituée de jeunes diplômés. Apparaissant comme plus avantageux au niveau de la rémunération et du choix du planning, l’intérim ne cesse d’augmenter depuis 6 ans.

Actuellement, l’intérim permet d’éviter les fermetures de service au sein des hôpitaux. Prévue pour des remplacements ponctuels de courte durée, l’emploi d’intérimaires est devenu une concurrence directe au recrutement classique. C’est maintenant une manière de faire carrière au vu de la multiplication des postes vacants au cours de ces dernières années. Cela est plus avantageux au niveau de la rémunération et du choix de planning. Ainsi, au sein de l Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), un infirmier intérimaire coûte environ 50 euros alors qu’un titulaire coûte 30 euros. « C’est un poison pour les équipes, elles voient arriver des intérimaires qui gagnent mieux leur vie et qui n’ont pas à faire de nuits ou à travailler les week-ends… » constate Nicolas Revel, directeur de l’AP-HP.

«  L’intérim doit redevenir un phénomène à la marge »

Soutenu par le gouvernement, le député Horizon Frédéric Valletoux est favorable au fait d’entraver la tendance à l’intérim chez les jeunes professionnels dans l’article 7 de la proposition de loi sur l’accès aux soins. «  L’intérim doit redevenir un phénomène à la marge, il ne doit pas être un modèle de carrière. Il faut envoyer ce signal parce qu’aujourd’hui, nous avons des jeunes qui commencent par l’intérim et poursuivent leur carrière comme ça. » explique le député.

Le texte a pour objectif final d’interdire l’intérim en début de carrière pour les professionnels de santé. Ainsi, la proposition vise les hôpitaux, les établissements médico-sociaux (Ehpad, laboratoire de biologie médicale) et elle concerne aussi les éducateurs spécialisés, les professionnels de santé, les assistants de service social,…

L’intérim augmente, mais elle atteint une minorité des nouveaux entrants

Une enquête effectuée par le Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec) estime qu’après la sortie de leur école, seul 4 % des infirmiers veulent s’orienter vers l’intérim. Ainsi, l’hôpital public conserve tout de même « une part de son attractivité auprès des entrants dans la profession infirmière. » . Cependant, entre 2017 et 2023, la part d’ infirmiers intérimaires augmente de 0,6 % à 1,5 % dans les hôpitaux privés et de 0,1 % à 0,7 % dans les hôpitaux publics d’après une étude menée en septembre 2023 par le ministère du travail. Elle révèle qu’il y a « un recours faible à l’intérim » avec cependant une « nette hausse depuis six ans » (le taux de recours est passé de 0,2 % à 0,4 %) et surtout une forte augmentation depuis 2021.

« Il ne s’agit pas tellement de jeunes diplômés… »

Le directeur du développement au sein de Agence Samsic Médical, Thomas Duvernoy, explique qu’« Il ne s’agit pas tellement de jeunes diplômés, dit l’infirmier anesthésiste de profession. Ce sont des professionnels qui ont exercé quatre ans, cinq ans, dix ans… ». Selon une étude de l’Agence médicale Samsic, l’intérimaire type est plus jeune que les autres infirmiers, avec une moyenne d’âge de 32 ans, contre 41 ans pour les autres professionnels. Ces derniers ont d’abord quitté l’hôpital pour échapper aux « contraintes d’urbanisme », puis à « l’organisation des services ou des équipements », et enfin à la « rémunération ».

« J’avais envie de liberté, de pouvoir décider de mon planning et j’étais fatiguée » Restée 7 ans aux urgences de l’hôpital en tant que titulaire, Marie-Charlotte Rulleau, 35 ans, témoigne chez Le monde être maintenant en intérim. « On nous demandait toujours plus, de revenir combler les trous, de ne pas prendre nos congés… » explique-t-elle après avoir fini en « Burn-out » en 2020. Actuellement, elle gagne environ 3000 euros nets par mois contre 2200 avant pour le même nombre d’heures. « C’est fou de devoir devenir intérimaire pour mieux gagner sa vie. »

Déserts médicaux : les zones rurales laissées à l’abandon et l’État coupable d’inaction

Alors que des inégalités entre les habitants de zones rurales et de zones urbaines concernant la santé sont démontrées par des études menées par l’association des maires ruraux de France ainsi qu’UFC-Que choisir, l’État semble inactif. Cependant des solutions pour attirer les étudiants en médecine sont imaginés et le SNCF propose de mettre en place un service de téléconsultation dans 300 de ses gares d’ici 2028.

« Plus on est éloignés, moins on est traités. »

Actuellement, la localisation à la campagne apparaît comme un facteur déterminant des inégalités d’accès aux soins hospitaliers, car les coûts générés par le transport ne sont pas moindres. En effet, d’après une étude publiée ce lundi 13 novembre par l’association des maires ruraux de France (AMRF), les habitants des communes rurales consomment 16 % de soins hospitaliers en moins que la moyenne nationale. « Plus on est éloignés, moins on est traités », telle en est la conclusion. Ainsi, au cours de ces 30 dernières années, l’espérance de vie s’est améliorée deux fois plus vite en ville qu’à la campagne. Par conséquent, nous comptons environ 14 000 décès de plus par an dans les zones rurales que ce qui serait attendu si l’espérance de vie y était identique à celle des villes. Le géographe Emmanuel Vigneron explique les « pertes de chances », notamment concernant le cancer de la prostate ainsi que le cancer de l’utérus, qui est pris en charge plus tardivement en zone rurale à cause du manque de médecin.

«  83% des Français résident dans un désert médical »

Une autre étude de l’UFC-Que choisir cette fois-ci, rapporte que : 83% des Français résident dans un désert médical, 19,3% des Français dans un désert médical pour l’ophtalmologie, 24,8% des femmes dans un désert médical gynécologique et 28,9% des enfants dans un désert médical pédiatrique. C’est donc dans ce contexte que l’UFC-Que choisir met en place une pétition pour saisir le Conseil d’État en ce 20 novembre. L’État est accusé d’avoir ignoré leurs « revendications et d’avoir, par son inaction coupable, enterré le droit à la protection de la santé ». De plus, une carte interactive est proposée pour connaître les fractures sanitaires en France selon deux critères. Le premier se base sur l’éloignement géographique des médecins et le second sur les tarifs pratiqués.

« Lorsqu’un médecin part à la retraite en milieu rural, c’est un rayon de 15km de désert médical qui se crée, et tout un territoire qui souffre ».

Actuellement, en milieu rural, plus de la moitié des médecins ont plus de 55 ans. Les jeunes médecins ayant tendance à exercer en ville, une fois à la retraite, il sera compliqué de remplacer les médecins ruraux. Emmanuel Vigneron explique que le départ d’un médecin peut être difficile pour les communes rurales, car « Lorsqu’un médecin part à la retraite en milieu rural, c’est un rayon de 15km de désert médical qui se crée, et tout un territoire qui souffre ».

Face à ces constats, SNCF Gares et Connexions a annoncé le 17 novembre que des espaces de téléconsultation étaient prévus pour 2028 dans environ 300 gares avec pour objectif de lutter contre les déserts médicaux. La prise de rendez-vous sera possible sur place ou en ligne (Doctolib ou via les services en ligne de la SNCF) en fonction des « flux et reflux de voyageurs » au sein des gares participant à ce projet. Il est précisé qu’un infirmier diplômé d’État sera toujours présent aux côtés du patient pendant qu’il sera « examiné à distance par un médecin exerçant sur le territoire français, de préférence localement ». Concernant le prix, il sera le même que celui d’une consultation classique de secteur 1.

De plus, depuis le 2 novembre, l‘éditeur de guides de voyage Le Petit Futé, en partenariat avec « Attitude Manche » a publié un guide touristique à destination des internes en médecine qui arrivent dans le département avec pour objectif de « Donner envie de s’installer durablement dans la Manche ».

Enfin, selon l’AMRF, il faudrait « donner les moyens aux étudiants en santé de faire des stages hors du lieu de formation initiale, développer des équipes de soins coordonnées autour du patient » et « une meilleure répartition des professionnels de santé. »

Projet de transformation de l’aide médicale d’état en aide médicale d’urgence

Le projet de loi visant la suppression de l’aide médicale d’État doit arriver au sénat ce lundi 6 novembre. En guise de contestation, un collectif de 3000 médecins a écrit une tribune au monde en demandant le maintien de cette aide. Qu’est-ce que l’Aide médicale d’État et pourquoi le collectif s’y oppose ?

L’aide médicale d’État (AME) est un dispositif qui permet un accès gratuit aux soins aux étrangers en situation irrégulière. Pour ce faire, les personnes doivent être présentent depuis au moins trois mois en France. Actuellement, cette aide bénéficie à environ 410 000 étrangers sans papiers, mais, seules 51 % des personnes éligibles à l’AME y ont recours. De plus, les maladies telles que le diabète ou les maladies infectieuses ne sont pas prises en charge par l’AME ainsi que par l’assurance maladie de droit commun.

De « l’aide médicale d’État » à « l’aide médicale d’urgence »

Le projet de loi immigration porté par le ministre Gérald Darmanin consiste à transformer l’Aide médicale d’État en Aide médicale d’urgence recentrée « sur la prise en charge de la prophylaxie et du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive » comme l’indique la majorité sénatoriale de droite et du centre. Ce projet de loi doit arriver au Sénat lundi 6 novembre 2023.

Selon l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) en 2022, les dépenses de l’AME s’élevaient à 1,054 milliard d’euros, soit 0,5% de la consommation totale de soins et de biens médicaux.

« Leur santé, c’est aussi la nôtre. »

Dans une tribune publiée dans Le monde, un collectif de plus de 3000 soignants exprime son opposition catégorique au projet. L’AME est un « outil de lutte contre les exclusions qui n’est accessible que pour les personnes dont les ressources sont inférieures à 810 euros par mois et qui font preuve d’une résidence stable en France. ». Ils expliquent que la grande majorité des personnes qui se réfugient en France, le font non pas par objectif de profiter de l’AME, mais pour fuir la misère et l’insécurité présentent dans leur pays. Toujours d’après l’IRDES, seulement 10% des réfugiés mentionnent la santé parmi les raisons de leur migration en France.

« Leur santé, c’est aussi la nôtre. », tels sont les mots écrit au sein de la tribune. Il faut savoir qu’une politique similaire a été mise en œuvre en Espagne en 2012. Celle-ci a échoué en entrainant une incidence accrue de maladies infectieuses, une mortalité excessive et de mauvaises conditions de travail pour le personnel soignant. Par conséquent, celle-ci a été abrogée en 2018. Donc, limiter l’accès aux soins de ces patients, qui font déjà face à de nombreuses barrières pour accéder aux soins, entrainera une forte dégradation de leur état de santé, mais aussi celui de la population toute entière.

– Écrit par Ema JAUD

L’hôpital public français au bord de l’asphyxie ?

Même si selon le ministre de la Santé et de la prévention, Aurélien Rousseau affirmait « Nous avons en France la chance de disposer d’un système de santé d’excellence ! Encore aujourd’hui. On est dans le formidable ». Mais, entre manques de personnel, détresse psychologique des soignants et les risques encoururent par les patients, l’hôpital public français est actuellement en crise.

Une étude aux résultats alarmants

Cet été, entre le 1er juillet et le 31 août, 163 services d’urgence ont été contraints de fermer au moins de manières ponctuelles à cause d’un manque de ressources humaines d’après une enquête du syndicat de SAMU-urgences de France. Cette étude ne fait que renforcer l’idée que le métier s’exerce dans de mauvaises conditions de travail.

Difficultés de recrutements

Au sein du département de la Moselle, les hôpitaux se trouvent en zone frontalière avec l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. On remarque que les personnes travaillant dans les hôpitaux français partent dans ces pays frontaliers dès qu’ils en ont l’occasion. La question que nous pouvons nous poser est, pourquoi les fonctionnaires des hôpitaux français de Moselle sont tentés de travailler dans un autre pays ?

D’après le syndicaliste Marc Reisdorf, l’un des premiers facteurs serait la rémunération, il explique que « les salaires et les conditions de travail sont nettement meilleurs qu’en France », tout cela « vide nos hôpitaux et nos services ».

De plus, le mal-être au travail rentre également en compte, de ce fait, 43,23% des infirmières déclarent en 2018 se sentir à bout à la fin d’une journée de travail et 21,64% d’entre eux envisageaient de quitter la profession.

Un tri des patients inévitable

Un collectif de plus de 1000 soignants dénonce dans une tribune au Monde un tri des patients qui devient inévitable. Ce tri tente de se faire par ordre de gravité mais il est difficile de savoir quel patient serait plus dans le besoin qu’un autre. Les soignants se retrouvent donc face à des dilemmes éthiques. De nombreux patients qui auraient dû être hospitalisés sont renvoyés chez eux à cause du manque de personnel. Il en est de même pour les retardements d’opérations chirurgicales qui s’expliquent par le faible nombre de blocs opératoires ouverts. Cette situation met les patients en dangers et engendre des drames. Les soignants ont les compétences pour éviter cela, mais ils n’ont plus les moyens d’agir.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/05/l-appel-de-1-200-soignants-nous-n-avons-pas-choisi-ce-metier-pour-vous-faire-subir-cette-violence-et-etre-maltraitants_6192554_3232.html
https://www.francetvinfo.fr/france/grand-est/moselle/plan-blanc-active-en-moselle-ca-permet-de-degager-des-lits-et-d-essayer-de-desengorger-des-urgences-selon-un-delegue-syndical-fo_6067932.html#xtor=RSS-3-%5Bsante%5D