La polémique de l’intérim au sein des hôpitaux : une proposition en cours

Alors que l’intérim est visé par une proposition de loi ayant pour objectif de l’interdire en début de carrière pour les professionnels de santé, cette option de carrière n’est pas uniquement constituée de jeunes diplômés. Apparaissant comme plus avantageux au niveau de la rémunération et du choix du planning, l’intérim ne cesse d’augmenter depuis 6 ans.

Actuellement, l’intérim permet d’éviter les fermetures de service au sein des hôpitaux. Prévue pour des remplacements ponctuels de courte durée, l’emploi d’intérimaires est devenu une concurrence directe au recrutement classique. C’est maintenant une manière de faire carrière au vu de la multiplication des postes vacants au cours de ces dernières années. Cela est plus avantageux au niveau de la rémunération et du choix de planning. Ainsi, au sein de l Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), un infirmier intérimaire coûte environ 50 euros alors qu’un titulaire coûte 30 euros. « C’est un poison pour les équipes, elles voient arriver des intérimaires qui gagnent mieux leur vie et qui n’ont pas à faire de nuits ou à travailler les week-ends… » constate Nicolas Revel, directeur de l’AP-HP.

«  L’intérim doit redevenir un phénomène à la marge »

Soutenu par le gouvernement, le député Horizon Frédéric Valletoux est favorable au fait d’entraver la tendance à l’intérim chez les jeunes professionnels dans l’article 7 de la proposition de loi sur l’accès aux soins. «  L’intérim doit redevenir un phénomène à la marge, il ne doit pas être un modèle de carrière. Il faut envoyer ce signal parce qu’aujourd’hui, nous avons des jeunes qui commencent par l’intérim et poursuivent leur carrière comme ça. » explique le député.

Le texte a pour objectif final d’interdire l’intérim en début de carrière pour les professionnels de santé. Ainsi, la proposition vise les hôpitaux, les établissements médico-sociaux (Ehpad, laboratoire de biologie médicale) et elle concerne aussi les éducateurs spécialisés, les professionnels de santé, les assistants de service social,…

L’intérim augmente, mais elle atteint une minorité des nouveaux entrants

Une enquête effectuée par le Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec) estime qu’après la sortie de leur école, seul 4 % des infirmiers veulent s’orienter vers l’intérim. Ainsi, l’hôpital public conserve tout de même « une part de son attractivité auprès des entrants dans la profession infirmière. » . Cependant, entre 2017 et 2023, la part d’ infirmiers intérimaires augmente de 0,6 % à 1,5 % dans les hôpitaux privés et de 0,1 % à 0,7 % dans les hôpitaux publics d’après une étude menée en septembre 2023 par le ministère du travail. Elle révèle qu’il y a « un recours faible à l’intérim » avec cependant une « nette hausse depuis six ans » (le taux de recours est passé de 0,2 % à 0,4 %) et surtout une forte augmentation depuis 2021.

« Il ne s’agit pas tellement de jeunes diplômés… »

Le directeur du développement au sein de Agence Samsic Médical, Thomas Duvernoy, explique qu’« Il ne s’agit pas tellement de jeunes diplômés, dit l’infirmier anesthésiste de profession. Ce sont des professionnels qui ont exercé quatre ans, cinq ans, dix ans… ». Selon une étude de l’Agence médicale Samsic, l’intérimaire type est plus jeune que les autres infirmiers, avec une moyenne d’âge de 32 ans, contre 41 ans pour les autres professionnels. Ces derniers ont d’abord quitté l’hôpital pour échapper aux « contraintes d’urbanisme », puis à « l’organisation des services ou des équipements », et enfin à la « rémunération ».

« J’avais envie de liberté, de pouvoir décider de mon planning et j’étais fatiguée » Restée 7 ans aux urgences de l’hôpital en tant que titulaire, Marie-Charlotte Rulleau, 35 ans, témoigne chez Le monde être maintenant en intérim. « On nous demandait toujours plus, de revenir combler les trous, de ne pas prendre nos congés… » explique-t-elle après avoir fini en « Burn-out » en 2020. Actuellement, elle gagne environ 3000 euros nets par mois contre 2200 avant pour le même nombre d’heures. « C’est fou de devoir devenir intérimaire pour mieux gagner sa vie. »

Déserts médicaux : les zones rurales laissées à l’abandon et l’État coupable d’inaction

Alors que des inégalités entre les habitants de zones rurales et de zones urbaines concernant la santé sont démontrées par des études menées par l’association des maires ruraux de France ainsi qu’UFC-Que choisir, l’État semble inactif. Cependant des solutions pour attirer les étudiants en médecine sont imaginés et le SNCF propose de mettre en place un service de téléconsultation dans 300 de ses gares d’ici 2028.

« Plus on est éloignés, moins on est traités. »

Actuellement, la localisation à la campagne apparaît comme un facteur déterminant des inégalités d’accès aux soins hospitaliers, car les coûts générés par le transport ne sont pas moindres. En effet, d’après une étude publiée ce lundi 13 novembre par l’association des maires ruraux de France (AMRF), les habitants des communes rurales consomment 16 % de soins hospitaliers en moins que la moyenne nationale. « Plus on est éloignés, moins on est traités », telle en est la conclusion. Ainsi, au cours de ces 30 dernières années, l’espérance de vie s’est améliorée deux fois plus vite en ville qu’à la campagne. Par conséquent, nous comptons environ 14 000 décès de plus par an dans les zones rurales que ce qui serait attendu si l’espérance de vie y était identique à celle des villes. Le géographe Emmanuel Vigneron explique les « pertes de chances », notamment concernant le cancer de la prostate ainsi que le cancer de l’utérus, qui est pris en charge plus tardivement en zone rurale à cause du manque de médecin.

«  83% des Français résident dans un désert médical »

Une autre étude de l’UFC-Que choisir cette fois-ci, rapporte que : 83% des Français résident dans un désert médical, 19,3% des Français dans un désert médical pour l’ophtalmologie, 24,8% des femmes dans un désert médical gynécologique et 28,9% des enfants dans un désert médical pédiatrique. C’est donc dans ce contexte que l’UFC-Que choisir met en place une pétition pour saisir le Conseil d’État en ce 20 novembre. L’État est accusé d’avoir ignoré leurs « revendications et d’avoir, par son inaction coupable, enterré le droit à la protection de la santé ». De plus, une carte interactive est proposée pour connaître les fractures sanitaires en France selon deux critères. Le premier se base sur l’éloignement géographique des médecins et le second sur les tarifs pratiqués.

« Lorsqu’un médecin part à la retraite en milieu rural, c’est un rayon de 15km de désert médical qui se crée, et tout un territoire qui souffre ».

Actuellement, en milieu rural, plus de la moitié des médecins ont plus de 55 ans. Les jeunes médecins ayant tendance à exercer en ville, une fois à la retraite, il sera compliqué de remplacer les médecins ruraux. Emmanuel Vigneron explique que le départ d’un médecin peut être difficile pour les communes rurales, car « Lorsqu’un médecin part à la retraite en milieu rural, c’est un rayon de 15km de désert médical qui se crée, et tout un territoire qui souffre ».

Face à ces constats, SNCF Gares et Connexions a annoncé le 17 novembre que des espaces de téléconsultation étaient prévus pour 2028 dans environ 300 gares avec pour objectif de lutter contre les déserts médicaux. La prise de rendez-vous sera possible sur place ou en ligne (Doctolib ou via les services en ligne de la SNCF) en fonction des « flux et reflux de voyageurs » au sein des gares participant à ce projet. Il est précisé qu’un infirmier diplômé d’État sera toujours présent aux côtés du patient pendant qu’il sera « examiné à distance par un médecin exerçant sur le territoire français, de préférence localement ». Concernant le prix, il sera le même que celui d’une consultation classique de secteur 1.

De plus, depuis le 2 novembre, l‘éditeur de guides de voyage Le Petit Futé, en partenariat avec « Attitude Manche » a publié un guide touristique à destination des internes en médecine qui arrivent dans le département avec pour objectif de « Donner envie de s’installer durablement dans la Manche ».

Enfin, selon l’AMRF, il faudrait « donner les moyens aux étudiants en santé de faire des stages hors du lieu de formation initiale, développer des équipes de soins coordonnées autour du patient » et « une meilleure répartition des professionnels de santé. »