Dans la nuit du 3 au 4 novembre, trois des acteurs majeurs du procès en cours sur le massacre du 28 septembre 2009 se seraient évadés de la prison de Kaloum. Des tirs ont retenti autour de la prison.
Samedi 4 novembre 2023 au matin, l’ancien président de la transition le capitaine Moussa Dadis Camara, et des colonels Moussa Tiégboro Camara et Claude Pivi ont été exfiltrés de la prison de haute sécurité située à Coronthie, un quartier de la commune de Kaloum. Des tirs d’armes à feu ont été entendus autour de la prison à partir de 5 heures du matin (?゚ヌᆲ?Coup de feu à Kaloum : une vidéo inédite… – YouTube), venant probablement des assaillants qui ont aidé les individus à s’exfiltrer.
Le journal africaguinee.com donne la parole à un autre détenu de la prison, qui affirme avoir entendu des exfiltrés dire « le détenu a un droit comme tout autre citoyen, nous n’avons pas demandé à être transféré ailleurs. Si c’est le cas aussi nous devons être informés avant par notification. » et soutient ainsi la thèse que ces derniers n’étaient pas consentants.
Le ministre porte-parole du Gouvernement Ousmane Gaoual Diallo semble en désaccord avec cette version des faits et a déclaré sur france24.com « Ce qui est clair, c’est qu’ils ont un lien avec la personne qui a dirigé le Commando qui est venu. Parce que c’est le fils d’un des accusés. Le fils en l’occurrence du Colonel Claude Pivi qui a dirigé les opérations qui lui-même est un militaire. […] ils n’étaient pas les seuls accusés dans ce procès qui se trouvaient dans cette maison centrale. Pourquoi ce sont les 4 personnes liées dans l’accusation qui sont parties ? » Le journal guineenews.org reprend ses propos en ajoutant que jusque-là, 3 des 4 fugitifs ont été retrouvés et placés en détention à la maison centrale. Seul le Colonel Claude Coplan Pivi est en cavale et reste pour le moment introuvable. Mais le gouvernement promet de tout mettre en œuvre pour le retrouver. Les personnes qui ont été retrouvées ont été replacées en détention.
Le général de brigade Ibrahima Sory Bangoura a fait ce samedi 4 novembre le premier communiqué de presse officiel suite aux événements au nom du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), une junte militaire active depuis 2021. Il dénonce une attaque lâche qui vise à saboter les réformes engagées par le Colonel Mamadi Doumbouya. « Nous, forces de défense et de sécurité, réaffirmons notre engagement indéfectible envers ces réformes qui sont cruciales pour le progrès et la stabilité de notre Nation […] Aucune tentative de déstabilisation n’arrêtera la marche de la refondation.»
Mais que s’est-il passé ce 28 septembre 2009 pour que ces événements remuent autant la politique intérieure du pays ?
Le 28 septembre 2009, des milliers de manifestants se sont réunis dans un stade à Conakry, la capitale de la Guinée, pour contester le fait que que le président de l’époque Dadis émette une éventuelle candidature en vue des élections de janvier 2010. Durant cette révolte populaire, des centaines de personnes ont été tuées par les forces de sécurité. Les manifestants contestaient le fait que le jeune Président Dadis Camara ait fait des promesses auxquelles il ne tenait pas : avait réitéré au nom du Conseil national pour la Démocratie et le Développement (CNDD) son désir de rester au pouvoir pour les prochaines années. De plus, il est reconnu comme un proche de la famille de Conté, ex-dictateur de la Guinée. Dans cette foule endiablée, des leaders de l’opposition ont été arrêtés. ( Perspective Monde (usherbrooke.ca) )
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il est vrai que depuis plusieurs années les gouvernements autoritaires se succèdent en Guinée. Le chef d’État Mamadi Doumbouya a tenté d’y remédier en prenant le pouvoir le 5 septembre 2021. Il conduit un coup d’État contre le président Alpha Condé et devient président du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) et président de la Transition. Mais en réalité, la répression est toujours très présente, comme nous l’ont une nouvelle fois prouvé les événements du 16 octobre dernier, lorsque 14 journalistes du média indépendant Guinée Matin ont été arrêtés par la police lors d’une manifestation pacifique suite à plusieurs cas de censure injustifiés.
Conséquences de l’exfiltration à la prison de Coronthie
Africa Guinee nous apprend que dans une série de décrets qu’il a pris ce dimanche 5 novembre 2023, le chef de l’Etat a radié plusieurs dizaines de militaires pour des faits divers dont manquement au service, inconduite ou encore faute lourde. Claude Pivi, Moussa Thiegboro Camara et Blaise Goumou ont tous trois été radiés de l’armée.