Procès des faux médicaments à Faranah: plusieurs personnes condamnées par la justice

Dans le cadre de la lutte contre les faux médicaments en Guinée, un procès s’est ouvert ce mardi 28 novembre 2023 à Faranah. Un problème qui touche le pays depuis plusieurs années.

Parmi les accusés se trouvent des Agents Techniques de Santé (ATS), des étudiants et des Infirmiers d’État issus d’écoles professionnelles de santé, des comptables, des commerçants et des diplômés en médecine. Treize individus ont comparu devant le tribunal correctionnel et ont été reconnus coupables de  “complicité d’usurpation de titre et de fonction, atteinte à la santé publique, détention et vente de médicaments destinés à la médecine humaine sans licence d’exploitation [et] contrefaçon de ces produits de santé” entre autres. Le tribunal a condamné les accusés à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à des amendes allant de 500 000 à un million de francs guinéens, soit environ 50 à 100 euros.

Un système de santé fragile

Le système de santé guinéen a été profondément remanié à partir de 1988 car “il se trouvait dans une situation de marasme, comme l’ensemble du pays”. Il existe un système de santé public fort cohérent en Guinée, ce qui n’est pas forcément le cas de tous ses voisins. Cependant, il faut noter que le taux d’équipement hospitalier de la Guinée, avec 0.4 lit pour 1000 habitants, reste beaucoup plus faible que celui de ses voisins. Mais le personnel de santé, au stade de la vente, peut être tenté de se délester de marchandises dont les dates de péremption arrivent à terme ou sont dépassées en les cédant à des particuliers qui les revendent dans la rue, ou viennent se fournir auprès des grossistes illégaux « pour s’assurer de revenus plus importants ». Le système d’approvisionnement en médicaments mérite donc d’être réformé pour gagner en rentabilité et en continuité.

Un problème ancré depuis plusieurs années

Il faut savoir que la vente illégale de médicaments est un réel problème puisqu’on estime que la vente de produits médicaux illicites représente jusqu’à 80 % du marché officiel en Guinée, ce qui met en lumière la forte implantation de ce marché dans le pays. En effet, l’Afrique de l’Ouest est devenue un hub du trafic de produits médicaux illégaux sur le continent. La Guinée est la principale plaque tournante pour le trafic maritime et aérien entrant, avec deux circuits distincts en opération. Le premier, entièrement illégal, implique des cargaisons en provenance d’usines clandestines situées sur le continent (Maroc, Sénégal, Nigeria, Ghana) ou en Asie (Inde et Chine), qui sont ensuite écoulées par des vendeurs de rue ou sur des marchés en plein air. « Un réseau de trafiquants guinéens peut demander à un producteur en Inde de reproduire du paracétamol à un dosage inférieur pour en réduire le coût. » Le deuxième, issu de la production légale, peut être détourné à différents points de la chaîne. Un fabricant officiel peut être tenté d’ajouter des lots sous-dosés ou même inactifs du même produit à une commande, qui sont difficiles à détecter lors des contrôles douaniers. Les réseaux de distribution légitimés, sanctionnés par les autorités, ont également leur côté sombre. Les organismes publics et les grossistes privés voient une partie de leurs stocks détournés par des agents corrompus, parfois avec la complicité de pharmaciens ou même de médecins, destinés aux établissements de santé ou à l’étranger.

En raison de cela, 270 000 personnes en Afrique subsaharienne meurent chaque année après avoir consommé des médicaments antipaludiques contrefaits et de qualité inférieure, et les décès de 169 271 enfants dans la région sont attribués à l’utilisation d’antibiotiques contrefaits pour traiter une pneumonie sévère chez les jeunes patients. Selon le même rapport, la prévalence élevée des maladies infectieuses, associée à la disponibilité limitée des médicaments, à la capacité financière restreinte des populations et à l’accès limité aux soins de santé, « crée un environnement dans lequel la demande de produits médicaux et de services n’est pas entièrement satisfaite par les canaux formels ».

La Guinée tente alors de réguler cela à l’aide de procès, mais reste dépassée par l’ampleur du trafic.

Est-ce la fin de la liberté de la presse en Guinée ?

Ce lundi 16 octobre 2023, 14 journalistes du quotidien indépendant Guinée Matin ont été arrêtés par la police lors d’une manifestation pacifique à Kaloum, dans une commune de Conakry, comme nous l’explique guineenews.org. Cette « marche contre la censure » a été organisée afin de protester contre les restrictions imposées au site d’informations. En effet, les autorités guinéennes bloquent l’accès à ce média en ligne depuis le mois d’août à toute personne qui tente de s’y connecter depuis la Guinée . Le média concerné Guineematin.com précise que le parquet de Kaloum a décidé de poursuivre ces professionnels de médias pour des faits de « participation délictueuse à un attroupement interdit sur la voie publique ».

Sur le site internet du journal Guineematin.com, les antennes régionales du syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) ont fait une déclaration conjointe pour revenir sur les événements et condamner l’arrestation brutale et inhumaine de journalistes qui marchaient pacifiquement de la part des forces de l’ordre. Elles déclarent que « dans la foulée de l’interruption agressive de cette marche dite l’assaut de la dignité et l’arrestation de [leurs] confrères, [les 14 journalistes] ont été immédiatement déférés au Tribubal de Première Instance de Kaloum ».

Les antennes SPPG exigent par ailleurs la « libération immédiate et sans condition de nos confrères arrêtés et le site d’informations Guinée Matin ». Au cas contraire, elles useront de « tous les moyens légaux pour se faire entendre à travers les villes de leurs ressorts syndicaux ».Elles invitent l’ensemble de la corporation et les « citoyens épris de liberté » à se mobiliser contre ces agissements de violation flagrante de la liberté de presse en Guinée.

Irruption de militaires dans les locaux d’un média, chaînes privées empêchées de suivre les concertations nationales… Les problèmes liés à la liberté de la presse en Guinée ne sont malheureusement par nouveaux. Alors qu’une partie de la presse rencontre des difficultés à couvrir l’actualité politique depuis le coup d’État en Guinée, Reporters sans frontières (rsf.org) appelle les autorités de transition à ne pas entraver l’exercice du journalisme dans le pays. Ce dernier est aujourd’hui classé 85 sur 180 dans le classement de la liberté de la presse établi par le média pour l’année 2023. La politique du gouvernement est assez discriminatoire vis-à-vis de la presse : les médias de service public sont favorisés aux dépens des médias privés en ce qui concerne les communications gouvernementales. Lors de son arrivée au pouvoir en 2021, le premier ministre s’était pourtant engagé à défendre cette liberté de la presse, contrairement au gouvernement précédent qui tentait régulièrement de censurer les médias critiques du pouvoir.

Évasion d’opposants politiques à la prison de Coronthie 

Dans la nuit du 3 au 4  novembre, trois des acteurs majeurs du procès en cours sur le massacre du 28 septembre 2009 se seraient évadés de la prison de Kaloum. Des tirs ont retenti autour de la prison.

Samedi 4  novembre 2023 au matin, l’ancien président de la transition le capitaine Moussa Dadis Camara, et des colonels Moussa Tiégboro Camara et Claude Pivi ont été exfiltrés de la prison de haute sécurité située à Coronthie, un quartier de la commune de Kaloum. Des tirs d’armes à feu ont été entendus autour de la prison à partir de 5 heures du matin (?￰゚ヌᆲ?Coup de feu à Kaloum : une vidéo inédite… – YouTube), venant probablement des assaillants qui ont aidé les individus à s’exfiltrer.

Le journal africaguinee.com donne la parole à un autre détenu de la prison, qui affirme avoir entendu des exfiltrés dire « le détenu a un droit comme tout autre citoyen, nous n’avons pas demandé à être transféré ailleurs. Si c’est le cas aussi nous devons être informés avant par notification. » et soutient ainsi la thèse que ces derniers n’étaient pas consentants. 

Le ministre porte-parole du Gouvernement Ousmane Gaoual Diallo semble en désaccord avec cette version des faits et a déclaré sur france24.com « Ce qui est clair, c’est qu’ils ont un lien avec la personne qui a dirigé le Commando qui est venu. Parce que c’est le fils d’un des accusés. Le fils en l’occurrence du Colonel Claude Pivi qui a dirigé les opérations qui lui-même est un militaire. […] ils n’étaient pas les seuls accusés dans ce procès qui se trouvaient dans cette maison centrale. Pourquoi ce sont les 4 personnes liées dans l’accusation qui sont parties ? » Le journal guineenews.org reprend ses propos en ajoutant que jusque-là, 3 des 4 fugitifs ont été retrouvés et placés en détention à la maison centrale. Seul le Colonel Claude Coplan Pivi est en cavale et reste pour le moment introuvable. Mais le gouvernement promet de tout mettre en œuvre pour le retrouver. Les personnes qui ont été retrouvées ont été replacées en détention.

Le général de brigade Ibrahima Sory Bangoura a fait ce samedi 4 novembre le premier communiqué de presse officiel suite aux événements au nom du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD),  une junte militaire active depuis 2021. Il dénonce une attaque lâche qui vise à saboter les réformes engagées par le Colonel Mamadi Doumbouya. « Nous, forces de défense et de sécurité, réaffirmons notre engagement indéfectible envers ces réformes qui sont cruciales pour le progrès et la stabilité de notre Nation […] Aucune tentative de déstabilisation n’arrêtera la marche de la refondation.»

Mais que s’est-il passé ce 28 septembre 2009 pour que ces événements remuent autant la politique intérieure du pays ?

Le 28 septembre 2009, des milliers de manifestants se sont réunis dans un stade à Conakry, la capitale de la Guinée, pour contester le fait que que le président de l’époque Dadis émette une éventuelle candidature en vue des élections de janvier 2010. Durant cette révolte populaire, des centaines de personnes ont été tuées par les forces de sécurité. Les manifestants contestaient le fait que le jeune Président Dadis Camara ait fait des promesses auxquelles il ne tenait pas : avait réitéré au nom du Conseil national pour la Démocratie et le Développement (CNDD) son désir de rester au pouvoir pour les prochaines années. De plus, il est reconnu comme un proche de la famille de Conté, ex-dictateur de la Guinée. Dans cette foule endiablée, des leaders de l’opposition ont été arrêtés.  ( Perspective Monde (usherbrooke.ca) )

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Il est vrai que depuis plusieurs années les gouvernements autoritaires se succèdent en Guinée. Le chef d’État Mamadi Doumbouya a tenté d’y remédier en prenant le pouvoir le 5 septembre 2021. Il conduit un coup d’État contre le président Alpha Condé et devient président du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) et président de la Transition. Mais en réalité, la répression est toujours très présente, comme nous l’ont une nouvelle fois prouvé les événements du 16 octobre dernier, lorsque 14 journalistes du média indépendant Guinée Matin ont été arrêtés par la police lors d’une manifestation pacifique suite à plusieurs cas de censure injustifiés.

Conséquences de l’exfiltration à la prison de  Coronthie

Africa Guinee nous apprend que dans une série de décrets qu’il a pris ce dimanche 5 novembre 2023, le chef de l’Etat a radié plusieurs dizaines de militaires pour des faits divers dont manquement au service, inconduite ou encore faute lourde. Claude Pivi, Moussa Thiegboro Camara et Blaise Goumou ont tous trois été radiés de l’armée.