Les violences policières au Brésil, la politique de la mort.

En 2022, on estime à près de 6500 personnes le nombre de victimes de la police au Brésil, soit près de 17 par jour. En France, selon Bastamag, la police aurait causé 746 décès  à la suite d’une intervention depuis 44 ans, ou environ 17 par an en moyenne. Bien que les chiffres soient à la hausse, l’écart, mais surtout le nombre de victimes au Brésil peut interroger. Comment le Brésil, Etat émergent et membre des BRICS ou encore invité permanent au G20, se retrouve-t-il dans une situation de violences aussi démesurées?

Les antécédents

Le Brésil, dans son histoire, est un Etat qui a toujours connu une lutte des classes soutenue en raison de son passé colonial, mais aussi d’années de dictatures militaires entre 1930 et la fin des années 70. Ce passé douloureux qui n’aboutit qu’en 1988 à l’adoption d’une nouvelle Constitution, marque toute une population qui n’a cessé de souffrir et d’être mise à l’écart tout au long de son histoire. Les antécédents des violences au Brésil remontent à plusieurs décennies. Les favelas, en particulier, ont longtemps été des zones de pauvreté et de marginalisation, créant un terrain propice à l’émergence du crime organisé. Les politiques de sécurité ont souvent été caractérisées par des approches répressives, alimentant un cercle vicieux de violence entre les forces de l’ordre et les communautés défavorisées. 

Sa construction politiquo-politique est aussi mise en cause dans l’accès à la violence. La Constitution de 1988 met en place une République Fédérale composée de 26 États et d’un district fédéral. Bien sûr, c’est un régime présidentiel, mais les Etats ont beaucoup de pouvoir et d’indépendance vis-à-vis du gouvernement, notamment la police fédérale, puisqu’ils sont souvent membres d’une même coalition pour se partager le pouvoir; comme c’est souvent le cas dans les Républiques Fédérales dans le monde. 

Le cas de Bahia

Les violences policières sont évidemment considérables au Brésil mais s’inscrivent dans un système politique et de violence systématique au Brésil. Lorsqu’un policier est tué dans des rixes, la police effectue des raids meurtriers dans les quartiers les plus défavorisés. Dans le cas de l’Etat de Bahia, la plaque tournante de tous les trafics, la fragmentation du crime organisé a exacerbé la situation. La rivalité entre différents gangs, alliés aux puissants PCC

(Premier Commando de la Capitale) et CV (Comando Vermelho ou commando rouge), a transformé l’État en un théâtre de conflits territoriaux, avec des conséquences désastreuses pour la population locale. Les politiques de sécurité, notamment l’option de la confrontation armée, ont été critiquées pour leur inefficacité et les atteintes aux droits humains qu’elles ont engendrées particulièrement lorsque le Brésil se sait sous étroite surveillance Internationale: l’ONU a reconnu que “la situation carcérale au Brésil, ainsi que la létalité policière, sont en partie dues au racisme, qui nourrit la violence contre la population noire et pauvre du pays”.

Politique de la mort

À São Paulo, la politique du gouverneur Tarcisio de Freitas, membre du parti républicain de droite et ancien ministre des transports de Jair Bolsonaro, se démarque nettement de celle du gouvernement précédent dirigé par M. da Silva. Le gouverneur s’est montré extrêmement satisfait de l’action de la police lors d’une opération à Guaruja en juillet, malgré les critiques. Cependant, depuis le début de son mandat, le nombre de personnes tuées par la police dans son État a augmenté de 25%.

Au-delà de la controverse sur la légitimité de ces opérations, leur efficacité est également remise en question par les experts. Jacqueline Muniz, anthropologue et professeur de sécurité publique à l’université fédérale Fluminense, souligne que ces actions ne démantèlent pas le crime organisé, mais au contraire, épuisent les ressources policières et conduisent à un retrait des effectifs des rues lorsque ces opérations deviennent routinières.

Selon l’experte, ces opérations ont surtout un « objectif politique », considérant que la répression, même meurtrière, est parfois acclamée par une population confrontée à un niveau élevé de violence. Elle affirme que ces opérations spectaculaires sont souvent instrumentalisées à des fins électorales dans un pays où la lutte contre le crime est parfois associée à la gouvernance politique.

Marius Genin

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