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Nouvelle-Aquitaine : les mégabassines tombent à l’eau.

C’est une grande victoire pour les écologistes : mardi 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Poitiers est revenu sur les arrêtés autorisant la création de 15 “mégabassines” en Nouvelle-Aquitaine. Décision a ainsi été prise d’annuler les deux arrêtés préfectoraux de 2021 qui approuvaient la création et l’exploitation de ces retenues d’eau de substitution.

Mégabassines, késako ?

Pour comprendre la décision de l’institution judiciaire, il faut revenir aux fondements de ce que sont les mégabassines. Également appelées “retenues d’eau de substitution”, elles sont d’immenses stock d’eaux étendus sur plusieurs hectares et constitués durant l’hiver. Elles sont destinées à permettre l’irrigation des cultures durant l’été, même en cas de fortes chaleurs. L’eau mise en réserve ne vient pas de nul part : elle est puisée directement dans les nappes phréatiques dites « superficielles » (les premières nappes accessibles dans un sous sol perméable) et dans les cours d’eau via un important système de pompage et de canalisation. L’idée est de permettre aux agriculteurs concernés par le projet de disposer d’une réserve toute prête qui se substituerait ainsi
aux prélèvement estivaux dans les cours d’eau. Deuxième objectif : exercer une pression moindre sur les ressources en eau en y puisant les quantités nécessaires lorsqu’ils ne sont pas sous tension (et donc en période hivernale).

Des opinions qui divergent

Mais tout le monde ne s’accorde pas sur le bien-fondé de ces retenues d’eau. D’un côté,
ses partisans vantent un modèle viable sur le long terme permettant de ne pas exercer une trop
grande pression sur la biodiversité, ainsi que la soi-disant obligation des agriculteurs participant au
projet d’adopter des procédés de production plus respectueux de l’environnement. De l’autre côté,
les opposants dénoncent une volonté de perpétuer à tout prix un modèle agricole basé sur la
surconsommation et la surproduction. La mise à l’air libre de la ressource implique donc son
évaporation et des pertes considérables en eau potable, un fort impact négatif sur la biodiversité et
le milieu naturel… C’est donc tout naturellement que d’importantes tensions sont nées entre
opposants et partisans du projet. On a pu le constater lors de l’épisode des violents affrontements
qui ont eu lieu entre manifestants et forces de l’ordre autour de la mégabassine de Sainte-Solline
(Deux-Sèvres).

Un jugement qui coupe court au projet

Avec le jugement rendu début octobre, c’est aux opposants au projet que la justice a donné
raison. En effet, saisi par des associations de défense de l’environnement, l’UFC-Que Choisir, la
Confédération Paysanne dans la Vienne et la Ligue de Protection des Oiseaux, le tribunal a bel et
bien annulé les 15 projets dénoncés par les activistes. La décision appuie même les arguments
utilisés depuis le début par les écologistes : le tribunal cible une « étude d’impact […] insuffisante
et [non] proportionnée aux enjeux environnementaux », un projet qui ne serait pas en accord avec
le code de l’environnement et qui « ne tient pas compte des effets prévisibles du changement

climatique ». Un projet dont le tribunal pointe aussi l’illégalité à plusieurs égards, notamment au
regard de la réglementation inscrite dans le code forestier et dans le code de l’environnement
Face à cette décision, la préfecture de la Vienne, qui avait approuvé le projet, a annoncé
qu’elle déposerait un recours. La décision du tribunal administratif n’est donc pas un gage définitif
de la fin des chantiers des mégabassines en Nouvelle-Aquitaine.

Au delà de l’écologie, la question du partage des ressources

Ce conflit centré autour des retenues d’eau montre aussi une chose : l’augmentation de la
valeur d’une ressource de plus en plus précieuse du fait du réchauffement climatique, et qui n’est
pas partagée à part égale. En effet, cette année, la France manquait déjà d’eau en février, après
une période de trois semaines où aucune pluie significative n’est tombée. La question du partage
de l’eau commence donc inévitablement à se poser entre les différents acteurs consommateurs de
la ressource, à savoir le milieu de l’agriculture pour l’irrigation, les particuliers en terme de
demande d’eau potable, et l’industrie combinée à des secteurs comme l’énergie, la pêche…
Surtout en ce mois d’octobre où certains territoires d’outre-mer subissent un important
rationnement en eau.
Parfois, c’est au sein même de certaines de ces catégories que la question vient à
émerger. Revenons par exemple à nos mégabassines. Le projet n’aurait, si il avait fini d’être mis
en œuvre, profité qu’à une minorité d’agriculteur. Les manifestations contre les mégabassines
comptaient de ce fait de nombreux paysans accompagnés de leurs tracteurs, comme cela a pu
être le cas à Sainte-Solline, lieu dont la bassine n’aurait profité directement qu’à 12 exploitations
irrigantes sur 26.

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