Guerre en Ukraine: L’Ukraine et les Etats-Unis ont entrepris un accord ce mercredi 30 avril sur les minerais pour financer la reconstruction

Washington et Kiev ont officialisé, mercredi 30 Avril 2025, la création d’un fond d’investissement bilatéral afin d’exploiter les ressources minière Ukrainienne. Une initiative symbolique et stratégique, alors que l’aide militaire américaine reste incertaine.

WASHINGTON – correspondant (Piotr Smolar)

Minerais : Trump et Zelensky signent (enfin) le fameux accord | Armees.com

Après plusieurs mois de tractation tendues, les Etats-Unis et l’Ukraine ont officialisé, mercredi 30 Avril, la création d’un fond d’investissement commun pour exploiter les ressources naturelles du sous-sol ukrainien. Cette entente, scellée à Washington, vise à encadrer l’extraction des minerais stratégiques, du petrole et du gaz du pays ravagé par la guerre depuis l’invasion russe de 2022.

Initiée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky à l’automne 2024, cette coopération économique a d’abord été perçue par l’administration Trump comme une forme de compensation pour l’aide militaire et financière américaine. Un soutien estimé de manière exagérée à 350 milliards de dollars par le président américain, soit près de trois fois le montant réellement engagé depuis le début du conflit.

En retour, Kiev espérait des garanties de sécurité. Mais les premières négociations, culminant avec la visite ratée de Volodymyr Zelensky dans le bureau Ovale le 28 février, ont tourné au fiasco diplomatique. La version initiale du texte, imposée par Washington, ressemblait davantage à une tentative d’extorsion qu’à un partenariat équilibré.

Un accord rééquilibré, fruit d’une contre-offensive juridique

De façon plus discrète, la partie ukrainienne a ensuite travaillé, avec des juristes internationaux, pour présenter des amendements et des contre-propositions. La version finale qui a été validée – mais pas détaillée par la partie américaine – semble bien plus équilibrée. « Cet accord signale clairement à la Russie que l’administration Trump est engagée en faveur d’un processus de paix centré sur une Ukraine libre, souveraine et prospère sur le long terme », a précisé le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, dans un communiqué, employant ainsi des mots jamais entendus dans la bouche du président américain. Dans une note publique, la Maison Blanche emploie les termes de « partenariat », de « coopération » et de « retours à long terme pour les deux pays ».

Homme-clé de cette négociation, Scott Bessent s’était plaint plus tôt dans la journée de mercredi, lors d’une réunion du cabinet autour de Donald Trump, d’un contretemps de dernière minute côté ukrainien. Dans le communiqué, il précise qu’« aucun Etat ni aucune personne ayant financé ou alimenté la machine de guerre russe ne sera autorisée à bénéficier de la reconstruction de l’Ukraine ».

Du côté ukrainien, c’est Ioulia Svyrydenko, la ministre de l’économie, qui à Washington a signé le document ; ce dernier devra être encore ratifié par la Rada (Parlement). La ministre a détaillé sur le réseau social X le contenu de cet accord. Selon elle, le fonds créé place les deux partenaires sur un plan d’égalité, respectant la pleine souveraineté ukrainienne. Dans un message publié sur le réseau social X, Ioulia Svyrydenko a insisté sur l’indépendance de l’Ukraine dans la gestion de ses ressources.

Ioulia Svyrydenko (@Svyrydenko_Y) écrit : «On behalf of the Government of Ukraine, I signed the Agreement on the Establishment of a United States-Ukraine Reconstruction Investment Fund. Together with the United States, we are creating the Fund that will attract global investment into our country

Kiev sera le seul décisionnaire en matière de lieux et de ressources à exploiter. Le document ne prévoit pas de réparations financières aux Etats-Unis pour leur aide multiforme depuis le début de la guerre, en février 2022.

Une souveraineté préservée malgré les pression américaines.

Pourtant, le vice-chef de l’administration, Stephen Miller, continuait à parler jeudi matin d’un « remboursement » pour les « centaines de milliards de dollars que nos contribuables ont dépensés pour subventionner la guerre en Ukraine ». Ce propos divergent témoigne surtout de l’approche isolationniste, pleine de défiance à l’égard de Kiev, qui domine parmi les conseillers les plus radicaux du président.

Un potentiel encore spéculatif

« L’accord respecte la Constitution et préserve la trajectoire de l’Ukraine vers une intégration européenne », a souligné Ioulia Svyrydenko. Il s’agissait d’un point-clé pour Kiev, qui ne voulait pas se retrouver dans une situation de dette immédiate et lourde vis-à-vis de Washington, portant un coup à ses ressources budgétaires déjà très limitées par la guerre. La priorité est de tenir ses engagements par rapport à l’Union européenne, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Le fonds créé ne sera alimenté que par de nouveaux revenus, générés par des permis inédits d’exploitation des minerais, du pétrole et du gaz. Les projets déjà existants ne sont donc pas concernés, leurs recettes demeurant entièrement ukrainiennes.

Des retombées économiques au cœur de l’aide militaire américaine

La ministre de l’économie a insisté sur l’importance des investissements américains à venir et des transferts de technologie. Elle a même lié le fonds à la mise à disposition de nouvelles aides de type militaire, citant les systèmes de défense antiaérienne, que réclame le président Volodymyr Zelensky pour mieux protéger les zones civiles contre les missiles russes. Selon le ministre des affaires étrangères, Andrii Sybiha, l’accord représente « un investissement dans la présence à long terme d’entreprises stratégiques américaines en Ukraine et dans

la formation d’une architecture future de sécurité ». Or Donald Trump, lorsqu’il était interrogé ces derniers temps sur la mauvaise volonté du président russe, Vladimir Poutine, en vue d’un cessez-le-feu, n’a jamais évoqué de nouvelles livraisons d’armes. Il a préféré citer des sanctions financières et bancaires éventuelles contre Moscou, notamment pour affaiblir ses recettes énergétiques. Pour la Maison Blanche, des intérêts économiques américains forment une garantie de sécurité en soi.

Une ambition incertaine sans perspectives de cessez-le-feu

Selon l’Ukraine, cet accord est mutuellement bénéfique et ancre la relation bilatérale sur le long terme, même si – détail essentiel – le potentiel des minerais ukrainiens demeure largement spéculatif et nécessite des investissements énormes. « Nous escomptons que, pendant les dix premières années, les profits et les revenus du fonds ne seront pas redistribués mais au lieu de cela réinvestis en Ukraine dans de nouveaux projets ou dans la reconstruction, a précisé la ministre de l’économie. Ces termes feront l’objet de discussions à venir. »

Dans le communiqué américain, il est aussi fait mention de la volonté partagée de « rendre opérationnel au plus vite » cet accord. Une façon de reconnaître, en creux, que ses paramètres généraux ont beau être fixés, il reste beaucoup d’incertitudes sur sa mise en œuvre concrète. La poursuite du conflit armé risquerait de réduire ce document à une ambition de papier. Si l’accord établit un lien économique fort entre les Etats-Unis et l’Ukraine, il représente surtout à ce stade une forme d’assurance politique et psychologique pour Donald Trump, qui estimait son pays abusé. Mais, au-delà de cet accord, une fin de l’implication diplomatique américaine, en vue d’une paix négociée, laisserait l’Ukraine dans une forme de précarité sécuritaire inédite depuis trois ans.

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