Co-marraine du 10e Festival international du film et de l’image du monde sous-marin à Trébeurden, qui a débuté le 16 octobre, la para-surfeuse Katell Ropert s’interroge sur la symbiose entre l’être humain et la biodiversité marine. Pour la para-athlète, une prise de conscience urgente s’impose.

La 10e édition du Festival met particulièrement l’accent sur les “trésors engloutis”. Y a-t-il un deuxième sens plus profond que le simple aspect matériel ? 

Complètement. Le sens premier de “trésors engloutis” sera les documentaires sur les épaves et les trésors qui ont été retrouvés en Égypte ou en Bretagne. Mais nous allons aussi parler de la préservation et de la destruction des océans par l’homme. Malheureusement, nous savons que si l’océan se réchauffe, c’est tout le climat de la planète qui va être bouleversé. Nous sommes interconnectés donc nous devons vraiment en prendre conscience très rapidement et agir dans le bon sens. Avec Julia Duchaussoy, l’autre marraine du festival, nous aurons des regards croisés sur cela. Elle est vraiment sur la protection des océans et moi l’océan c’est le support de mon activité sportive. Je vais aussi rencontrer des scientifiques qui ont travaillé justement sur la destruction des océans par l’humain au fil des ans. C’est l’occasion d’essayer d’avancer.

Vous confiez au Télégramme que vous étiez tout le temps dans l’eau dès votre enfance. Vous avez donc vu les fonds marins évoluer sur une longue période. Avez-vous remarqué la dégradation du monde marin par les activités humaines ?

En effet, cela a complètement changé. Ce que je vois, c’est la pauvreté de la diversité marine actuelle. Aujourd’hui, nous ne voyons plus de homard. Les araignées, c’est pareil. Petite, à 50 mètres de ma maison familiale en Bretagne, je voyais des homards partout, il y avait des murs d’araignées. Aujourd’hui, si nous voyons ces espèces, c’est qu’elles ont été importées et ont colonisé la Bretagne. Au niveau de la flore marine, je n’ai pas encore vu beaucoup de changements. Ce qui m’étonne aussi, c’est d’aller surfer au mois d’octobre et d’avoir une eau chaude. En octobre quand j’allais dans l’eau, elle était froide donc j’ai l’impression de ressentir le réchauffement climatique à un niveau météorologique, au-delà du niveau climatologique. Nous arrivons à le toucher du doigt maintenant, c’est fou. Je vois aussi une multiplication des loisirs à moteur qui sont délétères pour tout ce qui est faune et flore maritime. Aujourd’hui je me demande comment peut-on arrêter cela.

“Katell Ropert en pleine séance de surf | Katell Ropert

France, Polynésie, Thaïlande, Los Angeles (…) : vous avez découvert les fonds marins dans divers endroits dans le monde. Comment votre rapport aux fonds marins a-t-il évolué par rapport à ces expériences ?

Honnêtement, le surf a d’abord été un moyen de rétablissement suite à mon accident. J’ai égoïstement utilisé l’océan pour aller mieux. Cette prise de conscience sur les fonds marins est plus tardive. Elle arrive maintenant parce que je n’ai plus rien à me prouver au niveau de ma valeur dans la société. J’ai des souvenirs de plongées incroyables en Polynésie. J’ai dû verser des larmes sous l’eau de bonheur. C’est dans ces moments que l’on se rappelle de l’existence de ces merveilles autour de nous. Mais, l’année dernière, j’ai été en Thaïlande pour plonger, et j’étais effarée. Les coraux étaient détruits. Il n’y avait rien à voir, hormis une poudre blanche. Je ne suis pas repartie depuis et en voyant cela, j’hésite à repartir. Nous devons arriver à continuer à vivre ensemble.

Lors de la pratique du surf, une harmonie se crée entre l’athlète et la biodiversité marine. Or, selon un rapport de Planète vivante de la WWF, 66% des milieux marins sont détériorés. Est-ce que le surf s’attarde sur ce sujet ?

Quand on surfe, on ne voit pas ce qu’il se passe en dessous. La pratique du surf se développe, se démocratise et il y a de plus en plus de spots qui sont mis en avant. Cela donne envie à tous les apprentis surfeurs d’y aller.  Aussi, un professionnel doit parcourir le globe. Il n’en a pas le choix. Ou alors, nous devrions peut-être juste nous mettre au free surf et arrêter la compétition. Mais l’homme a ce côté compétitif et le partage est compliqué. Maintenant que j’ai plus de recul, je me pose des questions sur comment continuer à surfer sans abîmer l’océan. Je me sens à ma place dans l’océan et je me dis que si je continue à pratiquer avec des produits délétères pour le milieu dans lequel je m’éclate, c’est absurde. Il y a aussi plein de choses comme cela pour lesquelles nous n’avons pas les clés, mais en effet si cela évolue à un autre niveau, je pense que cela changerait la donne.

“Je suis une femme d’océan”, Katell Ropert , para-surfeuse et co-marraine du Festival
|BLISSON Maxime
“Je suis une femme d’océan”, Katell Ropert , para-surfeuse et co-marraine du Festival |BLISSON Maxime

Ces derniers jours, vous avez effectué des animations auprès d’un public jeune où vous abordez votre rapport à la mer. En quoi est-il important de sensibiliser à ce sujet dès le plus jeune âge ?

C’est eux qui ont la clé, surtout ici. L’océan fait partie de leur jardin. Quand on habite finalement très proche de spots de nature incroyable, j’ai l’impression qu’on en oublie la chance que l’on a. Je pense que c’est important qu’ils sachent quels enjeux sociétaux ils vont devoir gérer en grandissant pour profiter de cet environnement. Je me dis que les jeunes générations vont peut-être me montrer le chemin et que le coup de pied aux fesses viendra peut-être d’eux. Ces générations sont très alertes sur ces sujets. Je pense qu’ils en ont plus conscience que nous. L’avenir est devant eux. 

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