Dans son article du samedi 2 novembre dernier, Le Monde reprenait les conclusions d’un communiqué de l’UNESCO publié à l’occasion de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. En 2022-23, « 162 journalistes ont été tués, près de la moitié d’entre eux exerçant dans des pays en proie à des conflits armés ». Je me suis donc demandé quelles étaient les mesures mises en place pour protéger les journalistes des attaques physiques.
D’après le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité publié en 2016, l’UNESCO participe à la sécurité des journalistes en s’axant sur 4 piliers :
- Favoriser un environnement sûr grâce à la sensibilisation du public : journées internationales mises en place pour rappeler « l’importance de la sécurité des journalistes », Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano qui récompense la « promotion de la liberté de la presse », nomination d’une ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO.
- Fixer des normes avec des objectifs mondiaux : « Des résolutions de référence ont été adoptées dans tout le système des Nations Unies, dont l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et l’UNESCO », ainsi que par des organisations régionales « chargées de promouvoir et de protéger le droit à la liberté d’expression, la sécurité des journalistes étant un enjeu principal ».
- Mener des travaux de recherche pour aborder la question de la mise en danger de la liberté de la presse : un rapport biannuel de la Directrice générale regroupant des « informations relatives aux condamnations de meurtres de journalistes depuis 2006 » encourage l’ouverture d’enquêtes et vise à réduire l’impunité. Ces chiffres sont présentés au Conseil intergouvernemental du PIDC et participent à l’élaboration des ISJ (Indicateur de sécurité des journalistes) pour cartographier les zones à risque pour la pratique du journalisme.
- Renforcer les capacités dans le domaine de la sécurité des journalistes : « des procureurs spécialisés », « des unités spéciales d’investigation », « des commissions indépendantes » et « des mécanismes pour recueillir des informations et fournir des réponses rapides » ont été mis en place dans des zones dangereuses comme « l’Afghanistan, le Brésil, la Colombie, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, l’Irak, le Mexique, le Pakistan, la Serbie et le Soudan du Sud ». Des formations sont également proposées « à l’attention des journalistes, des propriétaires de médias, des forces de l’ordre et du système judiciaire » concernant les questions de sécurité et d’impunité. Des projets visant à favoriser les rencontres entre les médias et les autorités locales ont aussi été lancés.
Dans son Plan d’action, l’UNESCO met également en avant son engagement pour réduire l’impunité des crimes contre les journalistes. Cette lutte contre l’impunité démontre, par extension, l’investissement des Nations Unies dans la protection des journalistes. De plus l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la cultures soutient les organisations locales à but non lucratif luttant pour la liberté des médias grâce à la création d’un « Fonds mondial pour la défense des médias« . La création en 2022 de l’indicateur ODD 16.10.1, dédié à la sécurité des journalistes, illustre lui aussi cet engagement.
L’UNESCO porte aussi une attention particulière au femmes journalistes souvent mises à mal dans l’exercice de leur métier (par exemple l’étude The Chilling met en lumière les violences subies).
Le Conseil de l’Europe s’intéresse également à la sécurité des journalistes. Il à lancé une campagne d’une durée de 5 ans, de 2023 à 2027, intitulée « Les journalistes comptent », qui vise à :
- » promouvoir le développement de campagnes correspondantes au niveau national ;
- encourager les États à prendre des mesures en vue de l’adoption d’un plan d’action national pour la sécurité des journalistes ;
- contribuer à l’élaboration de cadres juridiques et institutionnels appropriés au niveau national ;
- changer la situation de manière efficace et significative dans la pratique. »
On constate que cette campagne s’inscrit dans la continuité du plan d’action de l’UNESCO, visant à renforcer un environnement sûr et à sensibiliser au rôle des journalistes, tout en établissant des « garanties juridiques et institutionnelles renforcées », des « recours efficaces contre les attaques » et des « sanctions appropriées contre les auteurs de crimes ».
Des associations internationales comme RSF (Reporters Sans Frontières) participent également à promouvoir la liberté de la presse et la protection des journalistes. L’association a, par exemple, obtenu de nouveaux engagements de l’autorité mexicaine en rencontrant des personnalités politiques à la suite de l’assassinat du journaliste Maurício Cruz Solís.
D’un point de vue légal :
- La règle 34 du Droit international humanitaire interdit les attaques contre les journalistes civils ne prenant pas part aux combats.
- La Résolution 2222 du Conseil de sécurité, adoptée en 2015 met en garde contre les attaques ciblées sur les journalistes en zones de guerre et enjoignent les États à prendre des mesures pour prévenir les violences.
- Dans le Droit Européen, CEDH : article 10 qui fait valoir la liberté d’expression et qui est indirectement une prise de partie contre les attaques physiques et les menaces visant à restreindre cette liberté d’expression
On notera qu’en France, dans les lois, les sanctions sont parfois plus lourdes si l’action est faîtes en connaissance de cause sur un journalistes par exemple :
- article 223-1-1 du Code pénal, « Le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations […] avec un risque direct d’atteinte à la personne » est puni d’une peine de « cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende » si elle est perpétué ur un journaliste au lieu de « trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
- Article 222-1 et suivants : stipule que la peine pour des violences physiques est aggravée si l’action est faîtes envers un journaliste
En Espagne les agressions contre des journalistes peuvent être qualifiées de délits contre l’ordre public et dans certains états américains (par exemple, la Californie) on retrouve des lois spécifiques pour protéger les journalistes contre les agressions physiques.
Conclusion : La protection contre les violences subies par les journalistes repose principalement sur : la sensibilisation de chacun pour agir rapidement, la lutte contre l’impunité des crimes, la mise en place d’enquêtes pour identifier les zones où la liberté de la presse est la plus instable et y pallier, l’attention particulière porté aux journalistes les plus ciblés par les attaques (les femmes, par exemple, ou les journalistes d’investigation), l’adaptation de loi spécifique dans certains pays pour renforcer les peines et dissuader les attaques.
Belle analyse juridique. c’est bien j’attends la suite.