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L’exploitation minière en Ukraine : ce que l’on sait de l’accord entre Kiev et Washington

Le sous-sol ukrainien va être prochainement exploiter par le fond d’investissement des Etats-Unis et l’Ukraine, pour créer un fonds d’investissement commun afin d’exploiter le sous-sol ukrainien.

WASHINGTON – correspondant (Piotr Smolar)

Une mine de titane à Zhytomyr, en Ukraine, le 28 février 2025. (ROMAN PILIPEY / AFP)

Ce mercredi 30 avril, des négociations se sont tenues par les Etats-Unis et l’Ukraine et ont annoncé la signature d’un accord sur l’exploitation des ressources naturelles dans le pays dévasté par la guerre, depuis l’invasion russe de 2022. Les deux parties vont établir un fonds d’investissement et de reconstruction, à participation égale, qui devra veiller aux projets d’exploitation des minerais contenus dans le sol ukrainien, ainsi que le pétrole et le gaz.

L’annonce de la signature d’un accord bilatéral entre les États-Unis et l’Ukraine sur l’exploitation des ressources naturelles marque un tournant dans les relations entre Kiev et l’administration Trump. Mais derrière les apparences d’un partenariat stratégique se dessine une réalité plus complexe, où intérêts économiques américains et exigences ukrainiennes peinent à se rencontrer.

L’idée d’une participation américaine à la reconstruction et à l’exploitation des ressources minières ukrainiennes avait été avancée pour la première fois en septembre 2024 par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais à son retour à la Maison Blanche en janvier 2025, Donald Trump a rapidement réorienté cette proposition, la considérant comme un moyen de compenser l’aide militaire et financière fournie à Kiev depuis le début de l’invasion russe, en février 2022. Le président américain a alors évoqué un montant de 350 milliards de dollars une évaluation très largement surestimée, le chiffre réel étant environ trois fois inférieur.

Une tentative de marchandage diplomatique

L’entretien du 28 février dans le Bureau ovale entre MM. Trump et Zelensky fut un véritable fiasco diplomatique. La première version de l’accord, jugée déséquilibrée et quasi coercitive par Kiev, visait à accorder aux États-Unis un accès privilégié aux minerais ukrainiens, sans contrepartie sécuritaire sérieuse. Loin des garanties attendues notamment en matière de défense antiaérienne, l’administration Trump semblait vouloir faire signer à l’Ukraine ce texte en échange d’un hypothétique soutien financier à long terme.

Face à cette impasse, la partie ukrainienne a discrètement mobilisé une équipe de juristes internationaux pour amender l’accord. La version finalement validée bien que non détaillée publiquement par Washington apparaît plus équilibrée. Dans un communiqué diffusé lundi, le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a déclaré que l’accord « signale clairement à la Russie que l’administration Trump est engagée en faveur d’un processus de paix centré sur une Ukraine libre, souveraine et prospère ». Des termes que le président lui-même n’a jamais repris dans ses propres déclarations.

Un fonds commun, mais des profits encore hypothétiques

Côté ukrainien, c’est Ioulia Svyrydenko, ministre de l’économie, qui a signé le document à Washington. Elle a précisé sur le réseau social X que le fonds commun mis en place respectait « l’égalité des partenaires » et la souveraineté de Kiev.

L’Ukraine conservera le plein contrôle des sites d’exploitation et des ressources concernées. Le fonds ne sera alimenté que par les revenus de permis d’exploitation inédits, les projets existants restent sous le contrôle exclusif de l’État ukrainien.

Aucun remboursement des aides passées n’est prévu. Pourtant, jeudi matin, Stephen Miller, vice-chef de l’administration Trump, évoquait encore la nécessité d’un « remboursement  » des « centaines de milliards de dollars que nos contribuables ont dépensés ». Ce discours, représentatif de la ligne isolationniste qui domine parmi les conseillers les plus proches de Donald Trump, illustre la défiance persistante envers Kiev.

Malgré tout, l’accord est perçu à Kiev comme une victoire tactique. Il permet de préserver la trajectoire européenne du pays et évite l’écueil d’un endettement massif vis-à-vis des États-Unis. « L’accord respecte la Constitution et les engagements envers l’Union européenne, la Banque mondiale et le FMI », a insisté la ministre Svyrydenko.

Pas de livraisons d’armes nouvelles

L’administration Trump mise davantage sur les bénéfices économiques que sur un soutien militaire direct. Si des transferts de technologies américaines sont évoqués, notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie extractive, les demandes pressantes de Volodymyr Zelensky en matière de défense aérienne restent lettre morte. Interrogé récemment sur l’attitude de Vladimir Poutine face à un cessez-le-feu, Donald Trump a écarté la question des armes pour évoquer de possibles sanctions financières contre Moscou.

« Ce partenariat est un investissement dans la présence à long terme d’entreprises stratégiques américaines en Ukraine », a déclaré le ministre ukrainien des affaires étrangères, Andrii Sybiha. Le texte engage les deux pays à réinvestir tous les profits générés au cours des dix premières années dans la reconstruction et de nouveaux projets. Mais ces bénéfices restent, pour l’heure, largement hypothétiques, tant le potentiel des minerais ukrainiens nécessite des investissements colossaux.

Une garantie avant tout politique

Du côté américain, l’empressement à « rendre opérationnel » l’accord révèle surtout les incertitudes persistantes autour de sa mise en œuvre. Dans un pays ravagé par la guerre, la viabilité de tels projets dépendra de l’évolution du conflit. Si l’accord constitue un pas vers un ancrage économique durable entre Kiev et Washington, il reste avant tout, pour l’administration Trump, une réponse politique interne. Un moyen de justifier une aide passée en la réhabillant d’un vernis contractuel.

Mais pour l’Ukraine, qui se bat pour sa survie, l’absence d’engagements sécuritaires américains clairs dans ce texte laisse un vide lourd de conséquences. À défaut d’un appui militaire renouvelé ou de garanties face aux menaces russes, Kiev se retrouve seule face à un avenir incertain, dans une guerre qui entre dans sa quatrième année.

Lucie Chorin

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