Après vingt-cinq ans de négociations,
la Commission européenne a validé l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) mercredi 3 septembre dernier. Mais cet accord, présenté comme « le plus grand jamais conclu par l’UE » s’avère très conflictuel au sein même de l’Union Européenne où il divise profondément.
“ A l’heure où les Etats-Unis de Donald Trump augmentent les droits de douane et où la Chine se fait toujours plus offensive à l’extérieur de ses frontières, la Commission cherche à sécuriser des marchés pour les entreprises européennes et à s’assurer des partenariats stables.” écrit le Monde dans son article du 05 septembre. L’Europe prévoit une augmentation de 40 pourcents des exportations européennes vers l’Amérique du Sud et vise au travers de cet accord à créer une immense zone de libre-échange avec plus de 750 millions de consommateurs et une réduction drastique des droits de douanes allant jusqu’à moins 90 pourcents.
Des pays comme l’Allemagne et l’Espagne se montrent très motivés par l’accord et y voient au travers de ces négociations une opportunité pour leurs industries à exporter et vendre à l’étranger.
Mais celui-ci est loin de faire l’unanimité en Europe et on observe depuis plusieurs années une certaine montée en puissance des contestations. En France notamment l’Opinion publie
“ L’hostilité au traité est un des rares sujets qui fait unanimité politique. “
En cause : l’agriculture qui pèse économiquement et politiquement sur le pays et qui laisse voir dans cet accord une porte ouverte aux produits moins chers qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations (par exemple écologique) que leurs homologues européens.
Mercredi 03 septembre la Commission propose alors la mise en place de “ clauses de sauvegarde “ pour les produits agricoles. Ce dispositif permettrait en cas de déséquilibre ou de chute des prix le rétablissement des droits de douanes sur les produits importés à l’origine des perturbations. Sans détail supplémentaire, la proposition a semblé faire l’unanimité et représenter une réponse suffisante face aux pays contestataire car la Commission européenne a approuvé le projet de l’accord du Mercosur et le soumettra aux 27 Etats membres de l’Union européenne.
Mais ces garanties ne convainquent pas tout le monde. Pour Les Échos, elles vont « dans le bon sens », car elles introduisent une flexibilité nécessaire au dispositif européen. Le gouvernement français lui-même se veut « raisonnablement optimiste » et affirme que la France n’est « pas opposée par principe à l’accord » mais veut s’assurer que ces mécanismes soient efficaces

À l’inverse, L’Humanité dénonce une véritable « trahison » et alerte sur les risques de dérégulation massive : 99 000 tonnes de bœuf et 180 000 tonnes de volaille sud-américaines pourraient entrer sur le marché européen à des tarifs préférentiels. Pour le quotidien communiste, la Commission « tourne clairement le dos à son agriculture » en imposant des produits qui ne respectent pas les mêmes normes.
Cette inquiétude est largement partagée par les syndicats agricoles. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs dénoncent une « concurrence déloyale » et se disent prêts à poursuivre le combat, tandis que la Confédération paysanne avertit que « le Mercosur va détruire des fermes et des paysans ici et ailleurs ».
Enfin, sur le plan politique, L’Opinion met en lumière le dilemme français : « sauver la face en Europe ou éviter les coups en France ? ». En d’autres termes, accepter le traité permettrait à Emmanuel Macron de montrer que la France a été entendue par Bruxelles, mais cela l’exposerait à une forte contestation intérieure. L’opposition, du Rassemblement national à La France insoumise, dénonce déjà une « capitulation » et une « trahison » .
La presse française illustre bien l’ambivalence de ce traité. Pour Le Monde, il s’agit d’un outil stratégique face aux tensions commerciales mondiales et à l’offensive chinoise. Pour Les Échos, il ouvre des opportunités de croissance mais exige des garde-fous solides. Tandis que L’Humanité et une partie du monde agricole y voient au contraire un « passage en force » menaçant la souveraineté alimentaire. Dans l’ensemble l’opinion français reste très unanime,
dans un contexte politique clivant,
et clivé.
références :
- Le Monde
- Les Echos
- L’Humanité
