La semaine dernière, Le Monde a révélé un tournant majeur dans le paysage médiatique français : le groupe SIPA Ouest-France souhaite se retirer du capital de 20 Minutes (média gratuit d’information cofondé en 2002).
Depuis plus de vingt ans, 20 Minutes s’est imposé comme le principal média gratuit en France, avec une double identité : distribution papier dans les transports et très forte audience numérique. Jusqu’à présent, son capital était détenu par deux groupes de presse : le français SIPA Ouest-France et le belge Rossel (50% chacun)
Pour la première fois depuis sa création, son avenir capitalistique et économique est remis en question.
Pourquoi Ouest-France se retire ?
Selon Le Monde, Ouest-France a investi près de 30 millions d’euros dans 20 Minutes depuis 2002 sans réussir à restaurer l’équilibre économique. En 2025, le média devrait encore afficher près de 2 millions d’euros de pertes, dans un contexte où le modèle publicitaire est fragile pour les médias gratuits.
En parallèle, Ouest-France connaît lui-même une situation difficile avec des pertes importantes en 2024. Le groupe choisit de réallouer ses ressources vers d’autres projets, notamment sa nouvelle chaîne télévisée, Novo19.
Rossel prêt à racheter … mais pas sans conditions
L’autre actionnaire, le groupe belge Rossel, serait prêt à reprendre les parts de SIPA Ouest-France selon Le Monde. Cependant, il exige un accord sur les “droits voisins” des journalistes (formes de droits d’auteur liés à l’exploitation numérique, voir site du ministère de la culture)
Aujourd’hui, les syndicats de 20 Minutes dénoncent ce qu’ils considèrent comme « du chantage économique aux droits d’auteur », certains envisageant même des actions juridiques.
Pourquoi cet article ?
Cet article du média Le Monde se révèle donc très pertinent car il met en valeur un profond bouleversement dans le secteur des médias. Là où le « tout gratuit financé par la pub » se révélait comme la solution au manque de public, on assiste aujourd’hui à un déclassement de ces médias dans un environnement dominé par Google et Meta au travers de la publicité ciblée (les influenceurs aussi).
Cet article est également un exemple de plus dans le contexte difficile actuel dans le journalisme. Les journaux n’arrivent plus à attirer le public et il devient compliqué de rester rentable, même pour des groupe comme SIPA Ouest-France qui se tournent vers de nouvelles activités au travers notamment de Novo19.
Enfin Je trouvais important de mettre en avant plus personnellement cet article car il met bien selon mon avis les enjeux actuel que traverse la profession. Quand certains médias disparaissent définitivement on observe une remise en cause de la pluralité des médias, et donc in-fine de la réflexion journalistique (içi si le groupe Rossel devient propriétaire unique alors il n’y a plus de contrebalance.)
Cette situation fait echo aux à la polémique concernant Le Parisien où le milliardaire Bernard Arnault souhaitait vendre ses parts à Vincent Bolloré, une proposition qui n’a pas plu aux syndicats car le richissime homme d’affaire est connu pour ses prises de positions et sa main mise sur les médias qu’il possède.

C’est interessant de se pencher sur la sortie de SPA du capital de 20 Minutes.
Attention cependant à un truc.
Une grande partie de la négo entre Rousel et les syndicats se fait sur les « droits voisins » ce qui bien sur parle du concept juridique.
mais fait aussi référence (en particulier dans cet article) à l’accord sur les droits voisins entre Google et les éditeurs de presse.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/01/14/google-et-la-presse-quotidienne-francaise-renouvellent-l-accord-sur-les-droits-voisins_6498058_4408996.html
Alors certes ça interroge sur la pluralité, sur la place des réseaux sociaux dans le mix informationnel. Mais (à mon humble avis) la question centrale soulevée dans cet article particulier est la question du modèle économique des médias français, qui sont à la fois en concurrence avec les moteurs de recherche et leurs outils (Discover,…) , et dépendants tant en termes de visibilité que de financement du moteur de recherche de Google.
Sujet intéressant et très dense à étudier.