Veille Informationnelle : Concurrence déloyale et protection des données, le procès des médias espagnols contre Meta
Plus de 80 médias espagnols ont engagé un procès contre Meta , accusant la maison-mère de Facebook et Instagram de concurrence déloyale en raison du non-respect présumé de la réglementation européenne sur la protection des données personnelles entre 2018 et 2023. Représentés par l’Association des médias d’information (AMI), les plaignants réclament 550 millions d’euros, estimant que Meta a profité illégalement de données utilisateur pour vendre des publicités ciblées, au détriment des médias respectant la législation. Meta conteste ces accusations, niant tout avantage concurrentiel ou dommage. Le procès débutera en octobre 2025.
Depuis l’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en 2018, l’Union européenne impose des règles strictes concernant la collecte, le stockage et l’exploitation des données personnelles. Ces règles incluent notamment l’obligation pour les entreprises d’obtenir un consentement explicite et éclairé des utilisateurs avant de traiter leurs données.
Les médias espagnols accusent Meta d’avoir enfreint cette réglementation sur une période de cinq ans, permettant au géant technologique d’accroître ses revenus publicitaires grâce à des pratiques qu’ils considèrent comme illégales. Ces pratiques auraient nui aux acteurs traditionnels, qui, eux, respectent ces normes mais doivent en contrepartie supporter des coûts et contraintes supplémentaires.
Si les plaignants l’emportent, ce procès pourrait établir un précédent important. Cela pourrait encourager :
–> D’autres médias en Europe à entamer des procédures similaires.
–> Une application renforcée du RGPD, avec des contrôles et des sanctions plus fréquents.
Les médias traditionnels face à la domination des plateformes numériques
Les médias traditionnels subissent une crise structurelle depuis des années, accentuée par la montée en puissance des plateformes numériques. Ces dernières captent la majorité des revenus publicitaires en ligne, souvent grâce à des pratiques jugées déloyales par les médias. Meta, via Facebook et Instagram, domine le marché en s’appuyant sur des milliards de données personnelles qu’elle analyse pour proposer des publicités ciblées à bas coût.
Or, cette domination publicitaire anéantit les revenus des médias, qui sont pourtant les producteurs originaux des contenus relayés sur ces plateformes. Les médias dénoncent donc une « double peine » : ils perdent des revenus publicitaires au profit des plateformes et ils doivent respecter des règles strictes, ce qui les désavantage économiquement.
Cette affaire évoque un autre combat des médias contre les Big Tech : celui des droits voisins, inscrit dans une directive européenne de 2019. Ce droit oblige les plateformes à rémunérer les médias pour l’utilisation de leurs contenus. Si Google a conclu des accords en France et ailleurs, ces négociations restent ponctuelles et ne corrigent pas les déséquilibres fondamentaux. Le procès espagnol pourrait relancer ces discussions à l’échelle européenne.
Meta soutient que ses publicités ne reposent pas sur des données personnelles. Mais dans le contexte actuel, cette affirmation est difficilement vérifiable. Les algorithmes de publicité ciblée s’appuient sur des pratiques comme le suivi des comportements en ligne (cookies, tracking) et l’analyse de données démographiques ou géographiques . Ces pratiques, même si elles ne reposent pas explicitement sur des données sensibles, peuvent contourner les obligations légales. Cela soulève des questions importantes : Quels droits pour les utilisateurs ? Peuvent-ils comprendre et contrôler comment leurs données sont utilisées ? Quelles responsabilités pour les entreprises ? Doivent-elles fournir des preuves de conformité aux régulateurs ?
Le procès permet aussi de questionner : comment vérifier les déclarations des entreprises ? Les algorithmes publicitaires sont souvent des « boîtes noires » , dont le fonctionnement reste opaque.
Ce sujet m’a paru intéressant car il reflète les tensions croissantes entre les médias traditionnels et les géants du numérique, qui dominent le marché publicitaire en exploitant les données personnelles. Il touche à des enjeux clés : l’équité économique, la protection des droits des internautes et la régulation des pratiques des Big Tech.