Suspension de la BBC et de RFI au Niger pour trois mois

Pourquoi ce sujet ?

J’ai décidé de porter ma veille sur une information que j’ai vu dans mon flux Inoreader avec un article du Monde : la junte va suspendre la BBC pendant trois mois. Bien que cela n’ait pas été beaucoup relayé sur mon Inoreader, j’ai fait des recherches (complémentaires) pour mieux saisir ce qu’il s’est passé et les répercussions possibles de cette annonce. J’aime comprendre les enjeux et les conflits politiques et géopolitiques car cette information dépasse un cadre purement journalistique. Elle pose des questions autour de la liberté d’expression et la lutte de pouvoir pour les médias. Cela pose aussi la question de la censure dans ce gouvernement ; peut-on contraindre une liberté d’expression sous prétexte de la paix sociale ? Pour cela, il faut prendre en compte la situation dans son ensemble sur le pays et son histoire notamment coloniale pour comprendre le lien entre le Niger et les pays occidentaux comme la Grande Bretagne parce que cette annonce du régime militaire n’est pas dénuée de sens et défend une certaine idéologie.

Qu’est ce qu’il s’est passé ?

La BBC sera suspendue au Niger pendant 3 semaines. Une décision politique, annoncée par un communiqué (disponible sur RFI), prise par le régime militaire qui accuse la chaîne britannique de diffuser des “informations erronées tendant à déstabiliser la quiétude sociale et à saper le moral des troupes”. Diffusés au Niger par l’intermédiaire de radios locales partenaires, les programmes de la BBC, en langue haoussa notamment, sont particulièrement écoutés dans le pays. L’information a donc une influence et une répercussion sur l’ensemble du Niger. Ce n’est pas la 1ère fois que les médias occidentaux sont visés par la junte. En effet, on apprend plus loin dans l’article que la BBC n’est pas le seul média visé car RFI est également remis en cause par les mots suivants “le régime a par ailleurs annoncé « porter plainte » contre Radio France Internationale (RFI), pour incitation aux génocides et aux massacres intercommunautaires au Niger, sans préciser le lieu de la plainte”.

RFI confirme par les termes suivants : “La radio anglophone est accusée d’avoir publié, selon les autorités, des bilans non-officiels concernant les dernières attaques dans le pays. La suspension concerne la mention de l’attaque contre le village de Chatoumane qui a fait plus d’une centaine de morts ; une attaque que les autorités ont démentie mercredi soir en évoquant des affirmations infondées”. Accusé de mener une campagne de désinformation, le média français répond à cette plainte pour “incitation au génocide”, la direction qualifie cette plainte d’extravagante et diffamatoire, et ne reposant sur aucun élément en affirmant que “les journalistes de RFI, comme toujours, exercent leur métier de façon professionnelle et totalement indépendante, et ne publient que des informations vérifiées.”

Cela n’est pas une décision neutre. France 24 de son côté annonce que les médias français sont aussi accusés de propagande par le Niger. On peut y interpréter une peur des médias étrangers et un effet de panique engendré par les médias. Il peut y avoir une bulle médiatique anxiogène. Le pacte de défense mutuelle conclu entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso l’Alliance des États du Sahel (AES) montre la menace du terrorisme dans cette région. “Le Niger, le Burkina Faso et le Mali font face depuis des années à des attaques de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda ou à l’Etat islamique. L’armée nigérienne communique occasionnellement des bilans officiels sur certains attentats. Elle a, par exemple, annoncé mercredi la mort de dix soldats lors d’une attaque la veille dans l’ouest du pays. Selon l’organisation Acled, qui répertorie les victimes des conflits dans le monde, au moins 1 500 civils et militaires sont morts dans des attaques de groupes armés depuis un an au Niger, contre 650 entre juillet 2022 et 2023.” Le pays a un intérêt stratégique pour les médias pour essayer de contrôler pour ne pas alarmer sur les nombres et les menaces djihadistes. Le gouvernement veut garder un œil sur le sujet car c’est un sujet très sensible pour le bilan des victimes notamment.

Pour comprendre un peu mieux la situation au Niger, j’ai trouvé le média Jeune Afrique qui revient sur le coup d’Etat de juillet 2023 avec le général Tiani car un an plus tard jour la junte est toujours en pouvoir et elle a de plus en plus de force.

Quels angles possibles ?

On peut creuser le lien entre Grande Bretagne et Niger et plus largement avec l’Occident. Cette décision du régime politique pose la question du lien entre politique notamment dans un régime militaire et média. De plus, la BBC est une radio étrangère avec une idée qu’elle peut jouer un rôle dans l’ingérence du pays et d’influence des pays occidentaux. Rappelons qu’il y a depuis le début du XIXè siècle une grande influence britannique au Niger, un passé sans aucun doute toujours présent dans l’histoire du pays et qui pourrait faire peur au régime. D’ailleurs, le sujet pourrait se rapprocher de celui de Mediapart sur la question de l’ingérence au Niger.

On peut également se poser la question suivante : il y a un danger pour les chaînes nigériennes ? Car si le gouvernement a le pouvoir de suspendre un canal de diffusion à l’échelle de son pays, rien ne l’empêche de le faire sur l’ensemble des médias du pays. La censure est un sujet qui questionne dans le régime comme l’avait déjà alerté RSF sur le Monde avec «l’utilisation abusive» au Niger d’une loi réprimant la diffusion numérique de « données de nature à troubler l’ordre public » qui pourrait faire «emprisonner et censurer» des journalistes. Courrier International avertit “Fermetures de médias, musellement, interpellations de journalistes… Dans ces trois pays où les militaires se sont emparés du pouvoir, le secteur de la presse subit d’inquiétants coups de boutoir.”


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *