L’Intelligence Artificielle ne permet pas qu’aux morts de parler ; elle engendre aussi de véritables problématiques

Tout part d’un article du Monde intitulé « En Pologne, l’intelligence artificielle dans une radio tourne au fiasco ». Radio Off Krakow, basée à Cracovie au sud est de la Pologne, a effectivement lancé une expérimentation à l’aide de l’intelligence artificielle (IA) : animer des émissions grâce à des avatars entièrement générés par l’IA. Censé représenter et attirer la génération Z (née entre 1990 et 2010), ces trois animateurs ont créé une grande controverse, provoquant leur « licenciement ». La raison, outre le fait plus ou moins anecdotique que ce ne sont pas des humains, c’est qu’ils ont interrogé la poétesse polonaise Wislawa Szymborska lauréate du prix Nobel de la Littérature en 1996, décédée en 2002. Déjà que l’expérimentation n’a pas forcément convaincu ce pays assez conservateur, faire parler les morts encore moins.

Mais au-delà des morts qui revivent et des avatars qui peuvent encore s’apparenter à de la science-fiction, l’utilisation de l’IA pose de véritables questions éthiques pour l’avenir des médias. Pour la radio Off Krakow, remplacer des postes d’animateur.ice.s bien vivant.e.s par des machines était sûrement une solution économique mais qui pose néanmoins de vrais problèmes déontologiques. Et ce problème ne touche pas que la Pologne.

En France, l’IA est déjà utilisée dans beaucoup de médias depuis ses premières apparitions et encore plus depuis l’apparition de l’IA générative (capable de créer des contenus). L’article des Échos liste l’utilisation de l’IA dans les différents médias français. Et jusqu’à présent, il s’agit surtout d’aide pour la traduction comme au Monde, la détection de fake news à Radio France ou la transcription automatique des flux audio à France Télévisions. Une utilisation présente, qui augmente depuis 2023, mais qui ne remplace pas vraiment des journalistes déjà présent.e.s. Et pourtant, le remplacement, c’est ce qu’a mis en place cette radio polonaise. Selon Courrier International, Mateusz Demski, pigiste, a été renvoyé fin aout pour être remplacé par les avatars quelques mois plus tard. Cet aspect est beaucoup plus perçu comme dangereux pour la sphère médiatique ; même si on ne trouve pas (encore) d’exemple d’avatar présentateur radio en France, il y a déjà des exemples de licenciements dus à l’IA. En septembre 2023, l’entreprise Onclusive, spécialisée en veille médiatique, congédie 209 salarié.e.s pour les remplacer par une IA. Même si à l’heure actuelle, il s’agit encore d’événements marginaux, l’utilisation de l’IA pour réaliser les tâches dites de desk inquiète les journalistes.

Face à cette appréhension qui se généralise, le Parlement Européen organise du 20 au 22 novembre 2024 la deuxième édition des Assises Européennes du Journalisme de Bruxelles sur le thème « L’IA, les médias, l’Europe et moi : le journalisme européen face au défi de l’Intelligence Artificielle ».

En parallèle, des médias mettent en œuvre des « barrières » face à l’IA sous forme de chartes. C’est le cas du Monde qui en a mis une en place en mars 2024, comme beaucoup d’autres médias. Ces chartes, passées au crible par la Revue des Médias de l’INA mettent en place une priorité à l’humain, un respect de la déontologie, une transparence vis-à-vis du public… L’encadrement de cet outil, c’est une première mesure face à une IA toujours plus puissante qui, en fonction des conditions de son utilisation, peut être le remède ou le poison, comme l’expliquait déjà Platon avec son concept de Pharmakon.

Alice Bourré

Une réflexion sur « L’Intelligence Artificielle ne permet pas qu’aux morts de parler ; elle engendre aussi de véritables problématiques »

  1. Laurent B

    Salut.
    Il y a, et il va y avoir de plus en plus de chose a dire sur l’IA et le journalisme. ton article est plutôt bien et bien documenté.

    continue, c’est bien

    Répondre

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